Un nouveau rat couvert d’épines découvert aux MoluquesUne nouvelle espèce de rat, Halmaheramys bokimekot, a été découverte à Wallacea, précisément dans les Moluques. Ce muriné omnivore possède des poils durs comme des épines sur son dos… et apprécie le beurre de cacahouètes. Grâce à lui, une zone de transition a été localisée sur la ligne de Wallace. Quelques explications s’imposent.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Voilà à quoi ressemblerait le rat Halmaheramys bokimekot vivant. Il faut noter la présence des poils formant des épines sur son dos (traits plus foncés) et la petite taille relative de sa queue.Il existe sur notre planète plus d’une vingtaine de régions marquées par un important
taux d’endémisme, et elles sont mises à mal par les activités anthropiques. Ne représentant que 1,4 % des
terres émergées du globe, ces zones abriteraient cependant 44 % des
espèces de plantes vasculaires et 35 % des espèces de
vertébrés tétrapodes (
oiseaux, reptiles, mammifères et amphibiens). Parmi elles figure Wallacea, une entité biogéographique comprise entre l’Asie et l’Australie, majoritairement composée de territoires indonésiens, à savoir
les petites îles de la Sonde, les Célèbes et les Moluques.
Cette région a reçu son nom au début du XX
e siècle en hommage à
Alfred Russel Wallace, un naturaliste britannique que certains présentent comme le codécouvreur de la
théorie de l’évolution, avec son correspondant régulier depuis l’Indonésie,
Charles Darwin. Il est également célèbre pour avoir découvert puis défini une frontière zoogéographique entre deux régions bien définies. À l’ouest se trouve la région indomalaise où la
faune terrestre a des origines asiatiques (les mammifères sont placentaires, par exemple), tandis qu’à l’est les animaux ont plutôt une origine australienne (les mammifères sont des
marsupiaux).
Pourquoi reparler de cet homme et de ses théories ? Tout simplement car des études
génétiques ont confirmé l’existence et la pertinence de sa démarcation en 2012, et que la découverte d’une nouvelle espèce de mammifère vient de montrer qu’il existe au moins une zone de transition entre les deux régions. L’animal en question est un
rat, trouvé à proximité de la ville de
Boki Mekot sur l’île principale des Moluques,
Halmahera. Il vit donc sur un territoire où la
déforestation et l’industrie minière pèsent lourdement sur les
écosystèmes. Ce muriné a été décrit en détail dans le
Zoological Journal of the Linnean Society, avec
Pierre-Henri Fabre du
Center for Macroecology, Evolution and Climate (université de Copenhague ; Danemark) comme principal auteur.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le rat Halmaheramys bokimekot se caractérise également par la présence de trois paires de papilles mammaires sur son abdomen, tandis que le rat domestique (Rattus norvegicus) en possède six.Une origine asiatique selon des analyses génétiquesSon nom fait directement référence au lieu de sa découverte :
Halmaheramys bokimekot. Les six
rongeurs étudiés (trois mâles et trois femelles) ont été capturés dans un piège, appâtés avec du beurre de cacahouètes et des morceaux de
noix de coco rôtis. D’une taille moyenne (environ 15 cm de long, queue exclue), ils se caractérisent par la
présence de poils raides comme des épines sur leur dos brun-gris, tandis que leur ventre est blanc-gris et que l’extrémité de leur queue est blanche. Des
insectes et des végétaux ont été trouvés dans leurs
estomacs, ce qui suggère qu’ils sont
omnivores. D’autres éléments morphologiques les rendent tellement uniques qu’un nouveau genre (
Halmaheramys) a été créé pour les classer.
Halmaheramys bokimekot a également fait l’objet d’une
analyse génétique, qui a justement mené à la mise en évidence de la région de transition entre les deux écozones définies par
Wallace. En effet, la plupart des animaux peuplant l
’île d'Halmahera ont une origine australienne, mais pas notre
rongeur. Pour sa part, il affiche clairement des éléments prouvant que ses ancêtres ont migré depuis
l’Asie. Cette découverte rappelle, selon l’un des coauteurs de l’étude, qu’une grande partie de la
biodiversité (notamment celle des
mammifères) reste à découvrir dans
la région de Wallacea et qu’il serait important de la préserver. Les explorations zoologiques doivent donc se poursuivre.
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