Amborella nous met sur la piste des premières plantes à fleursEndémique de Nouvelle-Calédonie, Amborella porte en elle des caractéristiques des plantes à fleurs que celles des arbres qui ne fleurissent pas. Cette découverte la situe à l’interface de ces deux groupes. De quoi mieux comprendre le fabuleux succès des plantes à fleurs.[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Amborella trichopoda est la seule représentante de son genre. Limitée à la Nouvelle-Calédonie, elle constitue le taxon le plus primitif des angiospermes, ou plantes à fleurs. Mais porte aussi des gènes des plantes sans fleurs... Pourquoi les plantes à fleurs ont-elles soudainement proliféré sur Terre il y a des millions d’années ?
Le séquençage du génome d’Amborella apporte un nouvel éclairage sur les processus qui ont mené à une diversité merveilleuse de plus de 300.000 espèces végétales. L’ancêtre de toutes ces plantes à fleurs a subi un doublement de son génome il y a environ 200 millions d’années. Parmi ses
14.000 gènes codants, beaucoup ont ensuite évolué pour acquérir de nouvelles fonctions, propres aux plantes à fleurs. Ces mécanismes moléculaires, appelés
duplications, constituent un des moteurs de l’évolution des espèces et de l’apparition de nouveaux mécanismes biologiques.
La place de cette plante à la base de l
’arbre phylogénétique des plantes à fleurs en fait une référence pour comprendre l’apparition de nouvelles fonctions chez ces organismes, comme la capacité des graines à accumuler un maximum de réserves nutritives (
protéines, lipides, etc.) dans un minimum d’espace. L’utilisation progressive de ces réserves lors de l’humidification de la graine permet la germination puis l’installation d’une plantule plus vigoureuse. Parmi ces différents types de réserves, les protéines sont très abondantes, notamment celles de la famille des globulines 11S. Ces dernières conservent des propriétés structurales et représentent par conséquent un très bon outil de
phylogénie moléculaire.
Amborella, un chaînon vivantLes scientifiques ont identifié chez
Amborella ces protéines puis leurs gènes codants. Les séquences de ces
gènes ont ensuite été comparées à celles d’autres espèces de plantes positionnées « avant » (comme le
ginkgo, Ginkgo biloba, appartenant aux plantes sans fleurs) ou « après » l’ancêtre commun des plantes à
fleurs (comme
le soja Glycine max et
l’arabette Arabidopsis thaliana).
Il apparaît dans
Science qu’
Amborella se situe à l’interface des deux groupes. Elle a ainsi acquis une partie des caractéristiques
génétiques des plantes à fleurs permettant d’accumuler les protéines de réserve, tout en conservant des caractéristiques propres aux plantes sans fleurs. La coexistence de gènes de ces deux types au sein d’une même famille est un résultat très original.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les fleurs d'Amborella sont petites et se retrouvent à l'extrémité des feuilles, formant des grappes pouvant contenir jusqu'à 30 fleurs.
Les scientifiques montrent de plus que la niche écologique de cette plante est large, avec une diversité génétique structurée en quatre groupes géographiquement distincts de
la Grande-Terre de
Nouvelle-Calédonie. Ces travaux indiquent également l'existence de deux massifs qui ont pu servir de refuge lors des dernières
périodes glaciaires (il y a environ 21.000 ans) et à partir desquels
Amborella aurait par la suite recolonisé de nouveaux territoires. Sans la présence de ces deux refuges glaciaires,
Amborella, comme de nombreuses autres espèces
endémiques calédoniennes, n’aurait pas survécu jusqu’à nos jours. Ces travaux pourront contribuer à l'élaboration d'actions de préservation des forêts humides calédoniennes.
Une mémoire à conserverMenacée par la dégradation des habitats,
Amborella fait l’objet aujourd’hui d’un programme de conservation soutenu notamment par
la Fondation de France. Il permet de multiplier la
plante en pépinière et d’éviter les prélèvements en milieu naturel. Pour les chercheurs,
la Nouvelle-Calédonie a une responsabilité mondiale : veiller sur cette plante, mieux la connaître et améliorer sa préservation localement.
De nombreux mystères restent encore à éclaircir pour mieux comprendre l’histoire des plantes à fleurs et leur formidable réussite, notamment celles d’intérêt agronomique.
Amborella n’a pas fini de révéler comment la nature a fait du neuf… avec de vieux gènes.
La majeure partie de ce travail a été financée par le programme Plant Genome Research de la National Science Foundation (NSF).Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]