L’archéoptéryx préférait planer plutôt que voler
Par Quentin Mauguit, Futura-Sciences
Représentation artistique d'un "Archeopteryx lithographica" en vol selon Carl Buel. L'animal pourrait s'être élancé d'un arbre pour ensuite se mettre à planer.
Les ailes de l’archéoptéryx et de l’anchiornis seraient plus primitives qu’on ne le pensait jusqu’alors.
Par conséquent, ces deux dinosaures à plumes devaient se déplacer dans les airs en planant ! L’histoire évolutive des ailes vient d’être révisée.Les ailes d’
oiseaux se composent d’une couche de
rémiges asymétriques surmontées par des plumes de couverture, les
tectrices. En vol, les rémiges peuvent pivoter sur elles-mêmes afin de laisser passer l’air entre les pennes pendant les
mouvements ascendants des
ailes. Grâce à cette caractéristique, l’animal réalise de précieuses économies
d’énergie durant ses déplacements, parfois lents, en vol par battements.
Les ailes et les plumes sont apparues bien avant le vol, probablement pour attirer l’
attention de partenaires ou se thermoréguler. Aucun doute ne subsiste à ce sujet. En revanche,
leur évolution pose encore question, notamment en ce qui concerne l’apparition des ailes des oiseaux actuels. Pour de nombreux chercheurs,cette révolution aurait été opérée durant le
Jurassique puisqu’elle est visible chez les
Archeopteryx et
Anchiornis ayant vécu voici 160 à 150 millions d’années. Ainsi, les
dinosaures-oiseaux de cette période devaient avoir la même
morphologie alaire que leurs descendants du
Crétacé. Il n’en est rien !
Nicholas Longrich de l’université Yale vient de réexaminer en profondeur des
fossiles appartenant à ce groupe de dinosaures. Selon lui, ces
reptiles possédaient des ailes primitives au Jurassique, ce qui n’est pas sans conséquence sur leurs capacités de vol. L’histoire évolutive des ailes doit elle aussi être révisée, selon l’article paru dans la revue
Current Biology. Le premier fossile d'archéoptéryx a été découvert en 1861
près de Langenaltheim en Allemagne et date d'environ 150 millions d'années. Barre d'échelle : 5 cmDes ailes pourvues de plusieurs rangées de plumesUn
Archeopteryx lithographica conservé à
Berlin a particulièrement retenu l’attention des chercheurs. À sa mort, de la boue s’est insinuée entre ses
plumes, permettant ainsi, 150 millions d’années plus tard, de fournir des données tridimensionnelles sur la morphologie de ses ailes. Comme chez
les
oiseaux modernes, celles-ci se composaient d’une rangée de
rémiges primaires asymétriques (8 pour être exact) typiquement destinées au vol.
Cependant, l’analyse de sillons longtemps négligés a révélé un fait troublant : une deuxième puis une troisième rangée de plumes, de longues tectrices, recouvraient en grande partie les rémiges.
Des ailes d’
Anchiornis huxleyi trouvés en
Chine ont également été passées en revue. Huit rémiges primaires recouvertes par plusieurs couches de longues tectrices ont été trouvées sur chaque membre. Petit détail, les plumes sont symétriques et recouvrent jusqu’à 90 % les rémiges. Ce
dinosaure possède donc les mêmes appendices alaires que l’archéoptéryx, mais en
plus primitifs. Ce fait n’est pas surprenant étant donné
qu'
Anchiornis huxleyi a vécu 5 à 10 millions d’années avant
l'archéoptéryx.
Un vol par battements difficile pour ces dinosauresL’existence de ces différentes couches de longues plumes est lourde de conséquences d’un point de vue fonctionnel. Les
rémiges primaires de l’époque ne pouvaient pas par exemple s’écarter les unes des autres ou pivoter. Les
ailes
d’
archéoptéryx et d’
anchiornis devaient donc être relativement rigides et plutôt servir de surfaces pour planer. Des vols par battements étaient peut-être réalisables, mais ils devaient être très coûteux en énergie. Par conséquent, ils étaient courts. Enfin, la morphologie observée rendait difficile, voire impossible, tout déplacement aérien lent ou
décollage depuis le sol.
Selon les auteurs, les plumes modernes seraient apparues voici 130 millions d’années, au
Crétacé, après quelques dizaines de millions d’années de transformations. L’
anchiornis puis l
’archéoptéryx marqueraient deux étapes intermédiaires
du processus évolutif.
Source : Quentin Mauguit, Futura-Sciences