Os fossilisés : des dents de lézard rendues visibles aux rayons X !Par Delphine Bossy, Futura-Sciences
Les rayons X sont une forme de rayonnement électromagnétique. L'énergie de ces photons va de quelques eV à plusieurs dizaines de MeV. Ils ont de
nombreuses applications dans l'imagerie médicale (radiographie conventionnelle) et la cristallographie. Mais ils permettent également de détecter la présence d'os sur des tissus fossilisés.Nouveau souffle pour la paléontologie ! Le développement d’une nouvelle technique d’analyse aux rayons X révèle l’ossature de fossiles pourtant invisible à l’œil nu. Des milliers de fossiles pourraient bien être réétudiés…Comment retrace-t-on l’évolution des organismes
? Les paléontologues utilisent les os, les plumes ou la peau fossilisés pour reconstruire entièrement les animaux et interpréter ainsi leur évolution. En fin de compte, ils utilisent tous les éléments qu’ils voient. Pourtant, les analyses chimiques détaillées des tissus fossiles peuvent elles aussi s’avérer extrêmement intéressantes.
Elles pourraient permettre d’identifier la
composition chimique des oset les structures des tissus conservés. Cela donnerait, par exemple, des indications sur l’adaptation de l’individu à son environnement.
Mais les techniques d’analyses chimiques classiques, telles que le
microscope électronique ou le
spectromètre de masse, ont des compétences souvent bien limitées. Le principal problème est que ces méthodes utilisent des spectres de longueurs d’onde trop restreints. Elles impliquent en outre la destruction du fossile. Toutefois, les chercheurs du
Stanford Synchrotron Radiation Lightsource (SSRL) ont récemment développé une technique d’analyse aux rayons X, la
Synchrotron Rapid Scanning X-ray Fluorescence (SRS-XRF), grâce à laquelle les paléontologues ont fait d’étonnantes découvertes.
Les rayons X ont fait apparaître les dents d’un
fossile de lézard
sur ce qui était jusqu’alors considéré comme un fossile de résidus de peau. Sur ce fossile, il est facile de voir les restes de la peau, mais à l’œil nu, aucun reste osseux n’est visible. Cette incroyable découverte suggère qu’une grande quantité de fossiles pourraient bien contenir des résidus osseux qui, s’étant presque complètement dissous, sont invisibles pour l’œil humain !
L'image de gauche montre le lézard fossilisé retrouvé dans
la formation de la Green River (États-Unis). Lorsque les chercheurs ont envoyé des rayons X sur le fossile de peau de lézard, ils ont découvert des taches avec des concentrations élevées de phosphore (points blancs,
en haut à droite) qu'ils interprètent comme les vestiges chimiques de dents (les dents des deux mâchoires sont présentées respectivement en rouge et en bleu, en bas à droite).Les dents du lézard révélées aux rayons XLa longueur d’onde des rayons X varie entre 5 pm (un picomètre, pm, vaut 10
-12m) et 10 nm. À certaines longueurs d’onde, les rayons X provoquent la fluorescence du soufre et du cuivre, et révèlent ainsi les détails des restes de la peau avec un degré de détail incroyable.
Mais à une autre longueur d’onde, le phosphore rougeoie, révélant alors une certaine quantité de taches dans la tête du lézard. Leur arrangement a incité les chercheurs à interpréter ces traces de phosphore comme les restes chimiques des dents de l’animal. Leurs résultats sont décrits dans un
article de la revue
Applied Physics A: Materials Science & Processing. Ce lézard fossilisé de 50 millions d'années a été découvert dans les années 1980. C’est l’un des deux seuls exemples connus de peau de
reptile déterrée à la formation de
la Green River dans l’ouest des
États-Unis. C’est une couche datant de l’Éocène qui résulte de dépôts sédimentaires dans un groupe de lacs de montagnes. La formation de
la Green River est connue pour sa richesse en
poissons fossiles extrêmement bien conservés. L’état de conservation suggère que la carcasse du reptile, lavée par l’eau, aurait rapidement fini au fond du lac. La faible oxygénation de ce milieu expliquerait la conservation de la peau. Les eaux étaient semble-t-il très
acides, puisque les os se sont rapidement dissous. S’il reste des traces de dents, c’est parce que l’émail est peu concentré en matière organique.
Cette découverte pourrait bien révolutionner les recherches en paléontologie. Il y a quantité de fossiles encore mieux préservés que celui-ci, pour lesquelles on ne soupçonnait pas jusqu’alors la présence de squelette.
Pour
Gregory Erickson, paléontologue à la
Florida State University (
Tallahassee, États-Unis)
, « cette technique demandera aux paléontologues de réviser un grand nombre de fossiles ! Qui sait à côté de quoi nous sommes passés durant
les 150 premières années de la paléontologie ? »Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]