Luc Jacquet : "Ce film permet de voir le manchot empereur dans toute sa puissance" Par Anne-Sophie Tassart
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dunemars1 Admin
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Sujet: Luc Jacquet : "Ce film permet de voir le manchot empereur dans toute sa puissance" Par Anne-Sophie Tassart Mar 14 Fév - 22:35
Luc Jacquet : "Ce film permet de voir le manchot empereur dans toute sa puissance"
A l'occasion de la sortie en salle du film "L'Empereur", le réalisateur Luc Jacquet explique à Sciences et Avenir pourquoi, plus de dix ans après la sortie de "La Marche de l'Empereur", il a décidé de repartir à la rencontre de ses animaux fétiches.
Plus de dix ans après l'oscarisé "La Marche de l'Empereur", Luc Jacquet nous conduit à nouveau en Antarctique à la rencontre de ses animaux fétiches avec son nouveau film baptisé "l'Empereur", en salle le 15 février 2017. Point d'anthropomorphisme dans ce nouvel opus, qui est bel et bien un documentaire consacré à un empereur nouvellement père. Particularité de ces animaux : le mâle est très présent dans les premières périodes de vie de sa progéniture - il passe même du temps à couver l'oeuf. Dans "L'Empereur", le spectateur est invité à suivre le compagnonnage d'un père et son fils, lequel rejeton doit se battre chaque jour pour survivre dans une nature terriblement hostile. A l'occasion de la sortie en salle de ce nouveau long-métrage, Sciences et Avenir a rencontré le réalisateur Luc Jacquet. Sciences et Avenir : Après avoir mis en avant les chercheurs, Francis Hallé dans "Il était une forêt" (2013) et Claude Lorius dans "La Glace et le Ciel" (2015), vous reprenez des animaux en acteurs principaux. Pourquoi ? Luc Jacquet : En réalité, cela faisait longtemps que je voulais travailler sur la partie sous-marine de la vie des manchots empereurs, chose que l'on avait pas du tout abordé pour "La Marche de l'Empereur" faute de moyens et de personnel qualifié. Puis après avoir filmé différents lieux sur la planète, j'en suis venu à la conclusion que le manchot empereur est probablement le seul animal dont la vie peut être racontée avec toute la grammaire du cinéma. J'avais également envie d'utiliser ce que j'avais appris durant mes précédents tournages pour parler une nouvelle fois de cette espèce. Mon défi était : suis-je capable de raconter le destin d'un animal qui vit 40 ans dans des conditions incroyables ?
LA MARCHE DE L'EMPEREUR (83mn)
Vous vous êtes également essayé à la fiction ("Le renard et l'enfant", 2007), quel type de long métrage vous donne le plus de plaisir à tourner ? Ce sont des choses complètement différentes voire contraires mais j'apprécie les deux. Pour le film "l'Empereur" je pose ma caméra et j'utilise les techniques cinématographiques pour donner l'impression que l'on suit un individu dans une foule. Cela signifie passer des heures avec ces animaux avant de pouvoir saisir le moment juste qui donnera la narration souhaitée. La fiction est exactement le contraire dans sa fabrication : c'est planifier le moment où l'on va filmer telle scène sous tel angle. Mais dans le fond, l'objectif est toujours le même : réussir à générer une émotion chez le spectateur. Avec "L'Empereur", il est impossible de ne pas faire de comparaison avec "La marche de l'Empereur", film pour lequel vous avez reçu entre autres un Oscar et un César. Qu'est-ce qui vous a donné l'idée de faire à nouveau un film sur les manchots empereurs ? J'ai vraiment été motivé par la possibilité de faire des images sous-marines. Le manchot empereur est un animal capable d'aller plusieurs centaines de mètres sous la surface de l'eau. S'il était impossible de les suivre si bas, on a pu néanmoins descendre à 70 mètres et l'apercevoir dans son élément, au milieu des créatures qui peuplent les fonds de l'Antarctique. Ces images permettent de voir l'empereur dans toute sa puissance, loin de la vision du manchot qui marche d'un pas hésitant sur la glace. De plus, "La marche de l'Empereur" était axée sur l'histoire naturelle de cette espèce. Avec ce nouveau film, je voulais révéler un autre pan de son univers, une dimension mystérieuse : son rapport au temps, à la transmission du savoir. Par exemple, comment ces animaux font-ils pour rester vivants alors qu'on a le sentiment qu'ils n'apprennent jamais. Qu'est ce qui est le plus éprouvant dans ce genre de tournage ? En réalité on s'habitue assez vite bien que les premiers jours soient difficiles. Au bout de dix jours, notre corps ne sent déjà plus rien et cela révèle notre capacité incroyable à nous adapter. Le plus compliqué est le vent qui peut faire bouger la caméra. Mais aujourd'hui, il y a des moyens simples pour stabiliser une image ce qui n'était pas du tout le cas avant. Le vent n'est plus aussi problématique qu'auparavant. Cependant en Antarctique si vous êtes négligeant, il y a toujours le risque de perdre son matériel. Les progrès techniques de ces dernières années vous ont-ils permis de faire des prises de vue différentes (3D, drone pour les prises de vue aériennes) ? Pour les prises de vue aériennes nous n'avons pas utilisé de drones car la qualité est encore un peu faible pour le cinéma. Nous avons préféré utiliser des hélicoptères. Concernant la 3D, bien qu'aujourd'hui il existe une appétence certaine pour cette technologie, je pense pour ma part qu'il y a encore d'énormes progrès à faire notamment concernant l'écriture. Car cette technologie doit être intéressante non pas pour elle-même mais pour les émotions qu'elle peut permettre de véhiculer. Si c'est faire de la 3D pour faire de la 3D je pense que c'est inutile et que cela constitue une grosse charge de travail supplémentaire pour tout le monde. C'est une technologie qui selon moi ne doit pas être utilisée systématiquement. Vous êtes écologue de formation. Que pensez-vous du climato-scepticisme de Donald Trump qui pousse des chercheurs américains à sauvegarder des données concernant le réchauffement climatique ? Tout cela est vraiment effrayant. Pour moi c'est une régression de l'intelligence et une négation de la science. J'avais réalisé "La Glace et le Ciel" pour répondre aux climato-sceptiques et pour que le jour où quelqu'un oserait prétendre que le réchauffement climatique est faux, l'on sache d'où viennent ces données. Malheureusement l'histoire me donne raison beaucoup plus vite que ce que j'avais redouté. Je suis catégorique : je suis effrayé par ce qui se passe et de tout coeur avec les chercheurs. Il est impossible de penser que la science dit vrai quand elle sert à fabriquer des armes et qu'elle se trompe quand il s'agit du réchauffement climatique. C'est une malhonnêteté intellectuelle qui est effroyable.
Découvrez ci-dessous la bande-annonce du film "L'Empereur" :
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