Sciences & Environnement : Le désastre écologique du glacier du Siachen[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Coincé entre la Chine, l'Inde et le Pakistan, le glacier du Siachen a perdu dix kilomètres de longueur en l'espace de trente-cinq ans.Ils se déchirent depuis des décennies. L’Inde et le Pakistan sont tous deux responsables de la dégradation continue de l’écosystème himalayen, de surcroît menacé par le réchauffement climatique.Les deux pays ont chacun déployé des milliers de soldats autour des sommets déserts de l’
Himalaya, les plus élevés au monde. Des « arrivages » massifs de militaires qui, indépendamment des victimes directes ou collatérales et de leur coût considérable
(NDLR : environ quarante-cinq millions d’euros par an
du côté pakistanais et cent-cinquante du côté indien, rapporte le quotidien pakistanais The News), ont transformé des contrées déjà vulnérables en un gigantesque champ de bataille… et de déchets.
« Le plus haut du monde » souligne le climatologue américain Neal Kemkar, auteur fin 2005 d’un rapport sur l’impact écologique du différend indo-pakistanais évoqué hier par nos confrères de l’
AFP. Autour du
glacier du Siachen, coincé entre les deux pays et l’Empire du Milieu, les soldats ont une dangereuse tendance – doux euphémisme – à mépriser les standards de la protection de l’environnement.
Cent-vingt-sept d’entre eux (mais aussi onze civils) l’ont en quelque sorte payé de leur vie samedi dernier, le camp de Gayari (Inde), installé depuis deux décennies, ayant été touché de plein fouet par une avalanche.D’après des experts militaires pakistanais, quelque huit mille soldats auraient trépassé depuis 1984, année où
« une incursion indienne a conduit les deux pays à se disputer un territoire inhabité jusque là ignoré », rappelle
l’AFP. La grande majorité a en fait été victime des conditions hors norme, sachant que le dernier combat remonte à… 2003. Entre avalanches,
glissements de terrain, manque d’oxygène –
certains postes de
commandement sont installés à six mille mètres d’altitude – et
températures glaciales (elles descendent parfois sous les – 60 degrés celsius), il est en effet davantage question de survie que de vie dans cette région d’autant plus défigurée qu’elle ne peut prétendre à échapper à l’augmentation des températures.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]« La nature se venge en tuant les soldats »Le glacier du Siachen a perdu dix kilomètres en l’espace de
trente-cinq ans pour ne plus mesurer que soixante-quatorze kilomètres de long (sept cents kilomètres carrés de superficie environ), alerte
Faisal Nadeem Gorchani, membre de l’Institut de politique du développement durable, un organisme basé à Islamabad (Pakistan), cité par l’Agence. Cet expert est catégorique : selon lui,
« plus de la moitié de cette fonte est due à la présence militaire », laquelle se traduit par des constructions, des exercices, des tirs et de fréquents mouvements de troupes. Une thèse corroborée par l’hydrologiste
pakistanais Arshad Abbasi, également cité par l’
AFP et qui souligne que, dans le même temps,
« les glaciers alentours se sont étendus ».La responsabilité des États belligérants apparaît donc indiscutable. Elle va aussi de pair avec une prolifération inquiétante des déchets, qui s’accumulent dans les crevasses. Les investigations de M. Kemkar ont quant à elles révélé que 40 % des détritus militaires étaient composés de métaux et de plastiques qui
« se fondent dans (le glacier du Siachen) en polluants permanents, libérant dans la glace des toxines
telles que le cobalt, le cadmium et le chromium ». « Les déchets parviennent in fine dans la rivière Indus, contaminant l’eau dont dépendent des millions d’Indiens et de Pakistanais », ajoutait-il. Un triste constat malheureusement toujours d’actualité, tout comme celui de l’érosion de la biodiversité locale, désormais telle que la présence d’espèces illustres comme l’ours brun et le léopard des neiges serait menacée.
Il serait cependant bien étonnant que les périls environnementaux grandissant amènent l’Inde et le Pakistan à mettre leur égo géopolitiquede côté.
« Aucun des deux États n’est encore prêt à (évacuer militairement la région), même s’ils le souhaitent », estime en tout cas le colonel pakistanais retraité Sher Khan. M. Abbasi est pour sa part intimement convaincu que
« la nature se venge en tuant les soldats ». Il n’est assurément pas le seul à le croire.
Source : zegreenweb.com