Pétrole guyanais : le gouvernement temporise pour mieux exploiter la ressourceLe ministère de l'Ecologie annonce la suspension du permis maritime guyanais. Une décision qui doit permettre une révision du code minier et un meilleur partage des profits avec l'Etat et les collectivités locales avant d'exploiter la ressource.Il est urgent d'attendre. Telle est en substance la teneur du communiqué de presse relatif à "l'exploitation (sic) des gisements guyanais" rédigé par les ministères de l'Ecologie et du Redressement productif. Les
deux ministres chargés d'élaborer conjointement la politique énergétique française ont décidé de
"procédé à une remise à plat des permis" de recherche français, le temps de
réviser le code minier pour
"réorganiser les modes et conditions d'attribution et de prolongement des permis de recherche [et] d'exploitation". Une décision qui vise tout particulièrement
le permis maritime guyanais.En mai 2001, le ministère de l'Industrie, dirigé alors par Laurent
Fabius, attribuait aux sociétés Hardman Petroleum, Shell et Total Guyane
un permis exclusif de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux en
Guyane. Ce permis, valable cinq ans et couvrant initialement une
superficie de 70.469 km
2, a été prolongé jusqu'au 1
er juin 2011 par
un arrêté pris le 2 juillet 2007 par Nelly Olin, alors ministre de l'Ecologie. Conformément au code minier sa surface a été réduite de moitié à cette occasion.
Actuellement, ce permis fait l'objet d'une deuxième demande de renouvellement comme en témoigne
le dossier remis par les détenteurs du permis dans le cadre de la loi de juillet 2011 interdisant la fracturation
hydraulique. Cependant, aucune information n'est disponible sur
le site Internet du ministère détaillant les permis de recherches d'hydrocarbures accordés ou en cours d'instruction. En septembre 2011,
Tullow Oil a annoncé la découverte d'hydrocarbures à 150 kilomètres des côtes guyanaises et à une profondeur de 5.700 mètres, dont 2 000 mètres pour la colonne d'eau.
Vers une exploitation du pétroleSi le permis est suspendu, le communiqué ne laisse que peu de doute
sur la volonté de l'Etat d'exploiter à terme le pétrole guyanais.
"Les réserves pétrolières de Guyane sont une ressource, un bien public appartenant à tous", débute le communiqué, poursuivant en soulignant qu'"à
terme, elles pourraient permettre d'assurer à la France un
approvisionnement important en hydrocarbures, à coût réduit par rapport
aux prix du marché [ce qui contribuerait] à réduire le déficit de la
balance commerciale (…) et à améliorer la compétitivité de notre
économie".Si du pétrole est effectivement découvert,
"l'exploitation des
gisements guyanais contribuera à libérer des marges de manœuvre
budgétaires pour le financement de la transition énergétique",
avancent les ministères. Ce discours a probablement rassuré Patrick
Roméo, président de Shell France, qui a été reçu par Nicole Bricq,
ministre de l'Ecologie, avant que ne soit publié le communiqué.
Selon les ministères, c'est
"dans le cadre d'un code minier inadapté et obsolète, [que] le précédent gouvernement a octroyé un permis exclusif de recherches à un consortium privé sans contrepartie suffisante pour l'intérêt national". Deux reproches sont ouvertement formulés : la prise en compte des questions environnementales
"n'est pas satisfaisante" et
"l'inspiration
excessivement libérale de ce code prive le pays et ses collectivités
des ressources significatives qu'ils sont en droit d'en attendre".Partage de la manne pétrolièreLe second argument reprend une demande formulée de longue date par
Christiane Taubira, la députée de Guyane (Parti radical de gauche) et
actuelle garde des Sceaux. A l'occasion de la lecture de la loi
interdisant la fracturation hydraulique, elle avait déposé un amendement
visant
"à créer une redevance spécifique pour les titulaires de concessions de mines d'hydrocarbures situées en mer". "Le code minier prévoit une telle redevance, mais uniquement pour les gisements terrestres", déplorait alors l'élue rappelant que sa première demande remontait à 2002. Et d'insister :
"le
sujet est désormais d'actualité [puisque] le premier permis de Guyane
maritime a été délivré en 2001, et l'on sait aujourd'hui que les
résultats des prospections sont tout à fait prometteurs".Il semble que l'élue guyanaise, qui siège au conseil régional, ait été entendue puisque le gouvernement annonce une réforme
"en profondeur" du code minier, sans pour autant
"[remettre] en cause la recherche sur les gisements guyanais". Seul détail concret, au-delà d'une meilleure protection de l'environnement qui reste à préciser, la réforme
"veillera
(…) à ce que les retombées économiques soient justement définies au
bénéfice de la population et des collectivités guyanaises".Une décision qui devrait aussi satisfaire Georges Patient, sénateur
socialiste de Guyane. S'il n'approuve pas la décision prise mercredi, au
motif qu'elle est
"trop précipitée", il rejoint Christiane Taubira sur un point :
"[il
veillera] à ce qu'une large part de la fiscalité de la future
exploitation pétrolière, revienne aux collectivités pour le financement
de leurs investissements".Lectures contradictoiresContacté par l'AFP, Shell France s'est dit
très surpris de la décision du gouvernement alors qu'elle attendait
d'ultimes prescriptions techniques afin d'entreprendre une nouvelle
campagne de recherches.
France nature environnement (FNE) se félicite pour sa part de la
décision gouvernementale et voit dans la révision du code minier
"un premier pas vers la transition énergétique et la sortie des énergies fossiles".Greenpeace voit dans
"cette annonce marque une victoire d'étape" et demande que "le
gouvernement se positionne en faveur d'une nouvelle loi visant à
annuler définitivement les permis d'exploration et d'exploitation de gaz
et pétrole de schistes et tout type d'exploration offshore profonde ou
très profonde d'hydrocarbure".Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]