Reportage : les cyberguerriers de l’armée françaisePar Sylvain Biget, Futura-Sciences
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Sur la base de Sissonne, l’armée de terre a présenté en grandeur nature le projet Scorpion, qui comprend ses futurs équipements et organisations de combat, notamment en milieu urbain. C’est dans une fausse ville de 5.000 habitants unique en Europe que la démonstration a eu lieu. Pour protéger sa vie, le matériel coûteux et éviter l’enlisement notamment lors de combats en milieu urbain, le fantassin du futur sera bardé d’électronique et relié en réseau avec l’ensemble des blindés et aéronefs.
Il ne s’agit plus de science-fiction, mais d’une réalité que
Futura-Sciences a pu vivre dans le cadre d’une intense démonstration de guerre moderne.
Reportage.Sissonne, dans l’
Aisne. Nous sommes en 2020, il fait froid, pluvieux, les rues de cette petite ville de 5.000 habitants sont
désertes, et pour cause ! Elle a été envahie par un ennemi dont les troupes sèment la terreur. L’objectif pour les
militaires français est de bouter hors de la ville cet envahisseur en évitant absolument l’enlisement.
Un
drone qui survole discrètement l’agglomération vient de repérer les positions des forces ennemies dissimulées dans une dizaine d’immeubles et de maisons au sud-est de la ville. Quelques secondes plus tard, un
hélicoptère de combat
Tigre arrive bruyamment pour confirmer leur présence.
Dans la foulée, des fumigènes viennent masquer les rues, puis c’est un déferlement de blindés qui roulent à vive allure dans la ville. Des fantassins en débarquent à couvert. Ils sont équipés
d’un gilet bourré d’accessoires électroniques.
Grâce à cet équipement, ils sont tous connectés à un réseau informatisé. Chaque combattant dispose d’un écran lui permettant de connaître sa position et celle de ses camarades via
GPS. Ils peuvent s’organiser et communiquer entre eux avec un
ostéophone, un système qui capte la voix via la
résonance des os et peut retransmettre les sons par le même procédé. Pratique au milieu des explosions et des coups de feu.
Des fantassins reliés en réseauC’est la poignée avant du fusil mitrailleur (
Famas) qui permet de commander la
radio. Ainsi, pas besoin d’arrêter un tir pour actionner un interrupteur. Ces mêmes commandes permettent de régler un tir sans se mettre à découvert (et donc en danger) grâce à une lunette de visée spéciale placée sur le
Famas qui retransmet les images de la cible au combattant. Ce même
dispositif est doté d’options
infrarouges, ou de vision de nuit.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le futur, c'est maintenant. Le combattant porte un équipement électronique qui le connecte en réseau avec la troupe, les aéronefs et les véhicules blindés.Les troupes évoluent très rapidement et investissent les bâtiments et immeubles d’habitation les uns après les autres. Ce manège est cadencé par les ordres du chef qui se trouve dans un blindé. Sur deux
tablettes tactiles, la position de tous ses hommes, des hélicoptères, des
drones, des blindés et des chars Leclerc ainsi que ce qu’ils peuvent voir sont retransmis en temps réel, tout comme les
mouvements des ennemis. Ainsi, les informations retransmises automatiquement par un simple fantassin permettent de guider instantanément un tir d’artillerie ou d’aéronef.
Éviter l'enlisementÀ
Sissonne, le nettoyage de la ville se poursuit au rythme des échanges de données à haut
débit. Mais voilà… Un char vient ralentir l’évolution des troupes. L’information est aussitôt retransmise visuellement par un des fantassins.
Quelques instants plus tard, un simple coup de canon
provenant d’un char Leclerc relié au réseau neutralise le char ennemi. L’attaque est musclée, les véhicules et les hommes coordonnés et le tout ne dure pas bien longtemps.
« Pas question de s’enliser, il n’y a rien de pire, les hommes se fatiguent vite au combat et les risques augmentent »,
explique un officier.
La ville est libérée au bout d’une petite heure, on ne compte qu’un seul blessé parmi les troupes françaises, évacué
rapidement malgré de rudes échanges de tirs.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le LOCC, Logiciel opérationnel de conduite du combat, est l’outil de suivi des opérations du chef. C’est une sorte de gros iPad façon militaire, qui peut afficher en temps réel l’intégralité des combattants, véhicules et unités sur le terrain. Les positions des ennemis y sont affichées ainsi que les champs de vision et les directions de déplacement des uns et des autres. Dans un blindé, il est présenté sous la forme d’un double écran tactile. Sur le terrain, les chefs de sections sont quant à eux équipés d’une tablette tactique de plus petite taille.Cette scène de guerre a l’allure d’un jeu vidéo, et pourtant il pourrait bien s’agir de la réalité, avec la vie de soldats en jeu. Il ne s’agit pas de science-fiction ou d’un projet futuriste :
cette démonstration en grandeur nature réalisée par l’armée de terre française,
Futura-Sciences l’a vécue.
Les outils high-tech de ces soldats sont pratiquement opérationnels, et ils équipent déjà en partie neuf régiments. L’équipement s’appelle
Félin, pour Fantassin à équipements et liaisons intégrées. Mixés avec des véhicules bardés d’électronique intelligente (
vétronique), les dispositifs permettent de gagner en efficacité, de protéger les hommes
et les matériels actuellement surexposés dans leurs missions. Et
surtout, si l’investissement initial est conséquent, cela coûte beaucoup moins cher au final.
Cette démonstration baptisée
Decazub (Démonstration des capacités en zone urbaine) avait pour objectif de montrer aux parlementaires qui doivent décider des orientations budgétaires que l’armée peut faire mieux et moins cher en devenant high-tech. Le programme qu’elle propose s’appelle
Scorpion.Zoom sur les équipements de demainLes Russes s’y intéressent déjà, les Américains et les Britanniques travaillent également à un programme similaire. Il
semblerait que les Français aient de l’avance sur le sujet. Le colonel
Cadapeaud, l’officier du
programme Scorpion, nous a expliqué qu’avec un tel dispositif,
« la lecture du combat est simplifiée, fluide, ce qui permet d’anticiper les situations, de faciliter les initiatives et d’accélérer la manœuvre ». C’est selon lui tout le contraire de ce qui se passe actuellement, où les hommes manquent de protection car ils sont souvent obligés de se mettre à découvert. De plus, les moyens de
communication et de commandement ne sont pas en temps réel.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le combattant équipé pour le combat moderne porte en moyenne une trentaine de kg. Le système Félin vient alourdir la charge de 4 à 6 kg selon les configurations.L’équipement Félin (Fantassin à équipements et liaisons intégrées)L’équipement du fantassin du futur est donc déjà utilisé par 9 régiments. Il intègre de nombreux dispositifs électroniques qui permettent de connecter le soldat au reste de la troupe et de faciliter les communications. Voici le détail de quelques
équipements.
La jumelle infrarouge multifonction de Sagem. Placée sur le fusil mitrailleur, cette jumelle permet d’effectuer des
tirs déportés. Autrement dit, le soldat n’a pas besoin de se mettre à découvert pour viser et tirer. La jumelle est également capable de filmer, elle est dotée de la fonction d’image de nuit et d’infrarouge.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]De jour, les images prises par la jumelle sont restituées sur une sorte de monocle (OVD) fixé au casque.La détection et la localisation acoustiques de tirs d’armes légères. Ce système permet de détecter la dangerosité et la provenance des tirs d’armes légères. Plusieurs produits existent.
Chez
Sagem, c’est le
système DELOC. Le casque est doté de
capteurs qui analysent les ondes acoustiques générées par le tir. Il détermine la position du tireur sur trois dimensions (distance, site,
gisement), la trajectoire de la balle, son calibre et le nombre de munitions tirées.
Metravib propose le même type de technologie rassemblée dans un microphone spécial positionné directement sur l’arme.
La pile à combustible. C’est connu, Bic fait des stylos, des rasoirs et des briquets. Ce qui l’est moins, c’est que le fabricant développe aussi des
piles à combustible en partenariat avec le
CEA.
Les fantassins qui doivent désormais alimenter un équipement
électronique conséquent le font via des cartouches spéciales incluant une pile à
combustible.
Ce système permet d’alléger l’équipement en remplacement de batteries à
lithium-ion. Ces batteries fournissent trois fois plus d’énergie qu’une batterie classique.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L’équipementier Nexter propose le Nerva LG. Léger, petit et
très robuste, il se destine à l’ouverture d’itinéraires potentiellement minés ou piégés. Pour l’utiliser, il est possible de le jeter. Il est doté de deux caméras.Des robots téléguidés. L’armée travaille avec plusieurs constructeurs pour le développement de petits robots ultrasolides répondants aux exigences et aux normes des
militaires. Ils sont souvent employés pour le déminage ou pour analyser discrètement les positions ennemies.
Ainsi,
ECA Robotics produit ce type de robot pour l’armée de terre avec le
Minirogen. On trouve également le
Cobra MK2, étrange petit robot motorisé pouvant porter un canon permettant de neutraliser à distance des engins explosifs.
Des drones de reconnaissance. Outre les désormais classiques drones de reconnaissance, l’armée teste également des quadricoptères. D’allure semblable à ceux du commerce, tel
celui de
Parrot, ces drones sont capables de voler de façon stable malgré des vents de 40 km/h.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Les ingénieurs qui développent les technologies militaires
ont créé des accessoires capables de pousser les entraînements assez loin. Ainsi, cette veste bardée d'explosifs permet de simuler de façon virtuelle les blessures provoquées par son éventuelle explosion sur les
troupes situées à proximité. La simulation. S’entraîner à la guerre coûte cher. C’est pourquoi, pour s’exercer de façon réaliste et sans gâcher des
munitions à blanc et user les armes, des capteurs sont placés sur les tenues et les armes des combattants.
Le fantassin est doté d’un petit indicateur électronique, indiquant la
gravité de ses blessures en cas d’impact. S’il est sérieusement touché, son arme est désactivée. Des gadgets techniques que les amateurs de
Laser game connaissent déjà, sauf qu’ils répondent aux normes de solidité et de fiabilité militaires. Sur le même principe, il est également possible
d’utiliser des
grenades électroniques, ou des mines antipersonnel. De même, les ingénieurs ont pensé à tout, et même à la ceinture d’explosifs électronique.
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