Le Monde de la Mer : Les Anguilles et la Mer des Sargasses
Qui ne connaît pas ce poisson qu’est
l’anguille, soit pour l’avoir
dégusté « à la bordelaise », soit pour l’avoir croisé « sous roche » …
Cette espèce (
anguilla anguilla) est un grand migrateur dont on
connaît aujourd’hui assez bien le cycle en eau douce mais dont le voyage
en eau salé reste en partie assez mystérieux.
1/ La théorie de Schmidt (1920)
Pour faire court, voici un petit schéma pour illustrer le cycle de
vie de l’Anguille (issu du site RMC Eau-France), telle qu’il est admis
aujourd’hui.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La ponte a lieu en
Mer des Sargasses, puis suite à l’éclosion des œufs,
les larves se laissent porter par les courants marins (Gulf Stream) vers
les côtes européennes. A l’approche des cotes, ces larves vont subir
une première métamorphose (modifications morphologiques, anatomiques et
physiologiques) pour devenir des
civelles (ou
pibales au sud de la
Loire), transparentes.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Elles deviennent ensuite des
anguillettes remontant les cours d’eau plus ou moins loin à l’intérieur des terres.
Les
anguillettes deviennent des
anguilles jaunes qui continuent leur
croissance et leur progression vers l’amont. Ce stade dure plusieurs
années.
La phase de croissance s’achève par une deuxième métamorphose
transformant
les anguilles jaunes en
anguilles argentées, prêtes à
regagner les grandes profondeurs océaniques. A l’automne, lors des
premières crues,
les anguilles argentées regagnent la mer, portées par
le courant. La migration, longue de 5000 km (d’une durée de 4 mois)
reste mal connue et entretient le mystère de l’anguille.
2/ La théorie du Dr Bellet (2011)
Roland Bellet, Docteur vétérinaire spécialisé en ichtyologie, s’est
en partie consacré à l’étude de la reproduction de l’anguille, suite à
des observations qu’il a fait dans ses piscicultures et claires de
marennes.
Il considère qu’en réalité, une fraye des anguilles européennes a
lieu dans dans les estuaires marins de nos rivières et fleuves côtiers,
en milieu salé.Ses preuves :• La présence dans l’abdomen de quelques œufs non expulsés après la
ponte, d’anguilles femelles pêchées sur les vasières côtières.
• La découverte d’un
leptocéphale nouveau-né dans sa claire à anguilles près de
Marennes.
• La découverte, par deux fois, d’une frayère importante à
l’Ile d’Oléron en avril 2011.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il considère alors que
les leptocéphales recueillis dans
la mer des
Sargasses par
Schmidt vers 1920 et plus tard, étaient en majorité des
larves d’anguilles tropicales, dites de Cuba – plus petites. Il pense
alors qu’il est impossible aux anguilles reproductrices d’Europe de
traverser
l’océan Atlantique – pour des raisons de distance, de
température, de pression et de la physiologie même de ces poissons.
Pour lui, un tel voyage n’aurait biologiquement aucun sens.
Il dénonce notamment des erreurs de pensées scientifiques a propos de la biologie de l’anguille :• l’anguille européenne n’est pas un poisson pélagique, c’est-à-dire un
poisson de haute mer. Elle ne l’est ni sous sa forme larvaire ni sous
sa forme adulte. C’est au contraire un poisson benthique, un poisson de
fond et plus particulièrement un poisson qui vit dans la vase.
• la seule migration qu’il effectue est une migration de la zone
côtière, vers l’amont des fleuves et rivières d’eau douce du continent
puis la dévalaison lors de son retour à la côte. Ce séjour de plusieurs
années en eau douce tempérée, lui permet une forte croissance physique,
accroît sa longévité et retarde sa maturité sexuelle.
• l’anguille adulte argentée revenue en mer séjourne à l’embouchure de
son estuaire de rivière ou de fleuve et ne va pas en haute mer.
Elle y vit essentiellement dans la zone du bouchon vaseux qui s’y trouve, zone éminemment riche en éléments nutritifs
Selon lui la reproduction se ferait de la manière suivante :Les femelles quittent le fond du « couraud » principal qu’elles
occupaient pour aller sur les vasières latérales en zone plus salée ou
dans un chenal vaseux et salé. Elles y creusent leurs terriers et vont y
recevoir les jeunes et vieux mâles lesquels sont aussi en développement
sexuel. La ponte et la fécondation y auront lieu.
Les larves (leptocéphale) n’ont ensuite selon lui pas les
caractéristiques biologiques permettant un voyage important. Ces larves
resteraient su place pour se nourrir et grossir dans le bouchon vaseux.
Cette théorie se base notamment sur une observation (en 2005 puis en
2009) de larve (leptocéphale) dans ses claires de marennes alors que ce
stade ne devrait être visible qu’en mer des sargasses.
De plus, en avril 2011, il observe ce qu’il pense être une fraye
d’anguille à l’île d’Oléron : suite à des conditions météorologiques
très particulières, un rassemblement nocturne inhabituel d’anguilles se
fait dans des chenaux marins.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Terriers d’anguilles dans la vase d’une « claire » de
Marennes desquels on a vu les habitantes sortir lors de la mise à sec complète
alors que cet habitat n’est jamais signalé dans les livres spécifiques.
L’ouvrage entier du Dr Bellet étudie et décrit bien d’autres aspects de la vie de l’anguille.
Le résumé complet de l’étude du Dr Bellet (900 pages !) se trouve sur ce petit site internet
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Les photos sont issues de ce site et sont la propriété du Dr Bellet.
J’ai pris contact avec le Dr Bellet mais malheureusement, il est décédé
en automne 2011 à l’âge de 91 ans, en défendant jusqu’au bout cette
théorie (comme vous le verrez en lisant son témoignage sur le site).
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