Quatre scénarios pour l'énergie de demain
Nucléaire, gaz de schiste, énergies renouvelables ou réduction de la consommation : le Conseil national du débat sur la transition énergétique explore quatre voies de transition énergétique d’ici 2050.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]CONFRONTATION. Quoi de commun entre ceux qui plaident pour la sortie du nucléaire et lasobriété énergétique et ceux qui voudraient exploiter le gaz de schisteet garder un nucléaire
« qui maintient la compétitivité de la France » ?
Rien, sinon qu’ils débattent tous de la transition énergétique dans la
même enceinte. Réunis le 23 mai à Paris, les membres du groupe de travail chargé d’étudier
« les trajectoires pour atteindre le mix énergétique en 2025 » ont acté désaccords, divergences et points de consensus :
« on peut se réjouir que ce travail se soit
opéré en écartant les opinions non étayées, les affirmations non
fondées et les analyses trop peu approfondies » s’est félicité
Laurence Tubiana, facilitatrice du débat.
PISTES. Les 50 membres du groupe de travail ont examiné dans un premier temps les 11 scénarios élaborés par des organismes aussi différents que des entités techniques comme l’
ADEME ou
Enerdata et le
CITEPA,
les groupes anti-nucléaires Négawatt, Greenpeace et Global Chance et les industriels de l’énergie réunis au sein de l’Union française de l’électricité (UFE). La logique des trajectoires a conduit à définir quatre hypothèses de transition énergétique, bien différenciées par la place accordée au nucléaire, mais aussi par la vision que les uns et les autres peuvent avoir des changements de société dans les quarante prochaines années.
Le scénario «décarbonatation » Soutenu par l’
UFE et
les distributeurs d’électricité, il décrit une
France dont les grandes tendances sociétales ne bougent pas. Les villes continuent à s’étendre, le nombre de personnes par foyers à se réduire impliquant une augmentation des besoins en logements nouveaux, un accroissement des kilomètres parcourus en voiture et le développement de surfaces commerciales.
La rénovation de l’habitat est modérée et tempère seulement les
besoins de chauffage. Les véhicules électriques et les transports en
commun couvrent 40 % des besoins en mobilité. Dans ce cadre, la demande en électricité double ! Pour répondre à ces besoins, la production s’appuie sur un doublement du parc nucléaire qui garde ainsi son hégémonie, une croissance limitée des énergies renouvelables et une stabilité de la consommation de pétrole, gaz et charbon. Les gaz de schiste sont évidemment exploités.
Le scénario «diversification »Cette hypothèse développée par l’Alliance nationale de coordination
de la recherche sur l’énergie (
l'ANCRE, qui regroupe les principaux organismes de recherche publique comme le CEA ou le CNRS) et Réseau de transport de l’électricité (RTE), table sur une croissance modérée, un prix de l’énergie élevé et l’introduction d’une fiscalité du type taxe carbone. Dans ce cadre, la consommation d’énergie baisse de 17 %, mais l’intensité énergétique, c’est-à-dire la quantité d’énergie nécessaire pour produire un bien, est divisée par deux.
Dans ce scénario, 70 % du parc immobilier est rénové en 2050. En
matière de chauffage, le fuel et le gaz sont remplacés par le bois et
les réseaux de chaleur. Les besoins de déplacement des personnes
augmentent faiblement mais le transport de marchandises double. Les véhicules de 2 litres au cent kilomètres se généralisent dès 2030 et un quart des voitures sont électriques.
En matière de production, les investissements sont très importants
dans les énergies renouvelables et les réseaux de distribution de cette énergie. Le parc nucléaire est partiellement renouvelé.
Le scénario « efficacité »Ce scénario porté par l
’ADEME et en partie par
l'ANCRE utilise les
mêmes paramètres de croissance économique que la «diversification » mais accentue les politiques de réduction des consommations d’énergie.
Ainsi, l’étalement urbain est maîtrisé, le programme de rénovation des bâtiments est plus ambitieux et la diffusion des appareils électriques peu gourmands amène à réduire de moitié la demande des ménages et du tertiaire tandis que le développement des transports en commun fait repousser l’utilisation de la voiture individuelle. L’usage de l’électricité se développe pour représenter 40 % du bilan énergétique (notamment par l’essor du véhicule électrique).
La baisse de la demande fait que la part des énergies renouvelables
devient prépondérante, la proportion de nucléaire est réduite et le
recours aux énergies fossiles diminue significativement.
Le scénario « sobriété »C’est l’hypothèse portée par les
ONG environnementales. C'est celle qui pousse le plus loin les logiques de transition énergétique :
sobriété de la consommation finale en biens et services (fin du
consumérisme à tout crin), développement de l’agriculture biologique et des circuits cours, arrêt progressif de l’étalement urbain. Ce scénario s’appuie beaucoup sur la volonté de changement des individus, nettement moins marquée dans les autres scénarios. La volonté de sobriété est autant individuelle que collective : réduction des vitesses des voitures, biens durables, urbanisme dense, développement du recyclage et de l’écologie industrielle, relocalisation des productions, rénovation lourde de tous les bâtiments.
C’est évidemment le schéma le plus radical de sortie du nucléaire
(possible dès 2034 selon Negawatt avec une période de transition assurée par le gaz). Les énergies renouvelables assurent la grande part de la production d’électricité.
LOI. Tous les rapports des groupes de travail du conseil national du débat seront remis au gouvernement le 18 juillet. Les conclusions en seront remises ensuite au président de la République. Le 20 septembre, une conférence environnementale présentera les grandes
lignes du projet de loi sur la transition énergétique. Celui-ci sera
discuté au Parlement début 2014.
Loïc Chauveau
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