La vie d'Eric Tabarly est comme un roman. Elle est peuplée de records, ornée de décorations, truffée de légendes, auxquelles aura contribué la disparition du marin, dans la nuit du 12 au 13 juin 1998, en mer d'Irlande. Né en 1931 à Nantes, le petit Eric est initié très tôt à l'univers de la mer. Son père, Guy, l'emmène souvent à bord d'Annie, son bateau. Au cours de l'année 1938, Guy Tabarly fait l'acquisition de Pen Duick, premier d'une lignée de bateaux célèbres dont le nom deviendra indissociable de celui du futur skipper.
En breton, Pen Duick signifie "mésange à tête noire". Ce bateau, imaginé à la fin du XIXe siècle par l'architecte William Fife, fut conçu comme un yacht de course pour la série des 36' linear rater. En 1952, Guy Tabarly souhaite vendre Pen Duick. Le fils conclut alors un pacte avec son père. Il s'engage dans la Marine Nationale afin de financer sa restauration.
Entre Eric Tabarly et Pen Duick, c'est une histoire très particulière qui va se nouer au fil des années et des traversées. Le premier Pen duick va permettre au marin de faire ses premières armes : règles de navigation, des manoeuvres et de la course, le jeune Eric va apprendre sur le tas, au gré des sorties en mer , en observant son père.
Lorsqu'il s'engage dans la Marine, à 21 ans, Eric Tabarly pense à Pen Duick et aux coûts des travaux que va nécessiter sa restauration. Pour augmenter sa solde, il part à Saigon, où il sera pilote. Après avoir effectué un millier d'heures de vol environ, il devient capitaine de corvette.
En 1959, Eric Tabarly vit une déception qui le marque profondément. La coque de Pen Duick est trop abîmée pour être restaurée, et l'argent accumulé durant les campagnes militaires est insuffisant. Mais il en faut davantage pour cet homme obstiné, d'aucuns diront têtu, pour abandonner le projet qui lui tient tant à coeur. La coque de Pen Duick va servir de moule pour Pen Duick le nouveau bateau. Celui-ci, dessiné par les architectes Gilles et Marc Costantini, mesure 13,60 mètres.
Pen Duick II est imaginé pour la course en solitaire. C'est à son bord qu'Eric Tabarly va réaliser son premier exploit sportif. Il remporte la course transatlantique en solitaire en 1964. Cette course révèle deux facettes du couple Tabarly/ Pen Duick : les qualités manoeuvrières du marin, les atouts architecturaux du navire. Elle met surtout fin à la suprématie historique des Britanniques sur les compétitions océaniques. Le Général de Gaulle en personne remet à Eric Tabarly les insignes du chevalier de la Légion d'honneur en hommage à cet exploit. Le mythe est né.
Les Pen Duick sont, au cours de leur évolution, dotés de caractéristiques propres. La coque de Pen Duick II est longue et légère, adaptée pour une course en solitaire. Pen Duick III est conçu à la fois pour les courses en équipages et pour les traversées en solitaire. Pen Duick IV est un multicoque doté de mâts tournants. Pen Duick V est spécialement créé pour la Transpacifique.
Pen Duick V appartient aujourd'hui au Musée de la Marine.
A bord de Pen Duick V, Eric Tabarly, passionné par les courses en solitaire, remporte en 1969 la Transpacifique. Dessiné par Michel Bigoin et Daniel Duvergie, le navire répond aux critères imposés par le règlement de la course. La taille est limitée à 10,67 mètres (35 pieds), l'épreuve est uniquement ouverte aux monocoques. Imaginatif, Eric Tabarly conçoit son bateau en s'inspirant des bateaux américains Sand Baggers.
Si les records s'accumulent, la force du skipper réside dans un caractère bien trempé et une volonté à toute épreuve. En 1976, à bord du Pen Duick VI, des conditions météo particulièrement difficiles et la rupture du pilote automatique ne l'empêchent pas de gagner, pour la deuxième fois, l'Ostar, la course transatlantique en solitaire.
L'attitude humble et pudique d'Eric Tabarly a contribué à sa popularité grandissante. En 1976, le journal L'Equipe publie un classement des sportifs les plus aimés des Français. Eric Tabarly devance Merckx, Nicki Lauda et Johann Cruijff. Discret sur sa vie privée, modeste sur ces exploits, Eric Tabarly est le visage idéal du marin tel qu'on peut se le représenter. Volontaire, voyageur, bourru et simple.
Eric Tabarly est avant tout un amoureux des bateaux et de la mer. Son talent a ouvert une voie aux skippers français et sert de référence encore aujourd'hui. Ses équipiers sur Pen Duick sont ainsi devenus les plus talentueux des marins : Alain Colas, Michel Desjoyaux, Jean-Louis Etienne, Jean Le Cam, Philippe Poupon, Titouan Lamazou, Olivier de Kersauson, Gérard Petitpas..
Après 39 jours et 15 heures, à la moyenne de 6 noeuds, la victoire est acquise. Elle est d'ailleurs si rapide que personne n'est présent à l'arrivée de Tabarly, le jury n'ayant pas imaginé un seul instant une victoire aussi courte.
En 1980, Eric Tabarly se lance à l'assaut du record de la traversée de l'Atlantique. Au mois d'août, son trimaran Paul Ricard pulvérise le record de Charly Barr de presque 2 jours, en 10 jours, 5 heures, 14 minutes et 20 secondes.
A l'image de sa popularité, Eric Tabarly est affublé de nombreux surnoms, parmi lesquels "Le Sage de l'Océan","Pépé" ou "Le Sphynx de Bénodet". C'est dans cette ville touristique du Finistère qu'il s'établira avec sa famille.
Eric Tabarly a largement contribué au développement du multicoque en France. Conscient que ce type de bateau peut changer la donne, il s'improvise ingénieur, architecte et concepteur. Le dernier fruit de son imagination, le trimaran "l'Hydroptère", construit par Alain Thébault, allie les techniques de l'aéronautique à celles de la voile.
Dans la nuit du 12 au 13 juin 1998, alors qu'il navigue vers l'Ecosse pour un rassemblement organisé en hommage aux bateaux Fife, Eric Tabarly disparaît en mer. Malgré les recherches et le courage de ses équipiers, il ne sera pas sauvé. C'est à bord du premier Pend Duick, sur lequel il a tout appris, que le skipper disparaît. Sa disparition intervient quelques jours après la célébration du Centenaire de Pen Duick à Bénodet.
La bande-annonce du film "Tabarly"
Son sourire angélique et énigmatique a contribué à la légende. Eric Tabarly, disparu il y a 10 ans, est aujourd'hui le héros d'un film de Pierre Marcel. Au travers des témoignages de ses proches, de ses impressions, de sa conception du métier de marin, un hommage poignant rendu à celui qui a été surnommé "Le Sage de l'Océan".
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Eric Tabarly, 10 ans déjà Son sourire angélique et énigmatique a contribué à la légende. Le petit Eric, né en 1931 à Nantes, est initié très jeune à l'univers de la voile. Son père, Guy, achète sur un coup de coeur le premier Pen Duick, qu'il donne à son fils quelques années plus tard. Le mythe est né. Pilote puis officier de la Marine Nationale, la vraie passion d'Eric Tabarly demeure au fil des années la course. En solitaire de préférence, sur des bateaux conçus au gré de son imagination et de son talent, le navigateur remporte année après année des victoires couronnées de records. Transat anglaise, Sidney - Hobart, Transpacifique, Transat Jacques Vabre... L'homme surprend par sa technique, mais également par sa modestie. Père du multicoque en France, parrain spirituel de nombreux skippers, Eric Tabarly a influencé le monde de la voile, aujourd'hui forte de ses compétences techniques et architecturales, mais aussi de ses qualités humaines. Sa disparition tragique, dans la nuit du 12 au 13 juin 1998, à bord de Pen Duick, met une fin à ses exploits mais non à la légende.
Le film Eric Tabarly, disparu il y a 10 ans, est aujourd'hui le héros d'un film de Pierre Marcel. Au travers des témoignages de ses proches, de ses impressions, de sa conception du métier de marin, un hommage poignant rendu à celui qui a été surnommé "Le Sage de l'Océan". C'est Jacques Perrin, producteur des films "Le Peuple Migrateur" et "Microcosmos", qui s'est attelé à ce projet. La musique est signée Yann Tiersen.
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