Live Japon : la raison d'être des appareils photoLes smartphones, couteaux-suisses numériques, font le bonheur des
créateurs de téléphones, à commencer par Apple (paix à l'âme de Steve
Jobs),
mais sont une calamité pour le pionnier nippon des consoles de
jeu vidéo de poche, Nintendo, pour les pourvoyeurs de systèmes basiques
de radionavigation et pour les fabricants d'appareils photo numériques
compacts. Ces derniers sont forcés d'adopter une stratégie de
contournement afin d'éviter la concurrence frontale des mobiles.Nombreux sont les consommateurs qui, saluant les progrès, jugent en
effet leur smartphone suffisant pour immortaliser les instants de la vie
quotidienne, et bien plus pratique pour partager avec la planète
entière les moments intimes, comme l'illustre le mangaka japonais
Jean-Paul Nishi, suivant la populaire expression des jeunes Nippons
"imakoko" (
maintenant, ici), ou comment on en est arrivé là en peu de
temps.
Face à la nouvelle menace des smartphones, les Nikon, Canon, Olympus,
Pentax, Fujifilm, Casio, Sony, Panasonic ou autres acteurs japonais du
secteur sont forcés de concevoir soit des appareils compacts
ultra-performants, mais aussi hyper-compétitifs, soit des modèles plus
évolués mais touchant un public plus large que les boîtiers à visée
Reflex, lesquels, de par leur encombrement, sont réservés à des usages
plus rares. Ces dernières semaines, dans les rayons des empires de
l'électronique japonais sont pleins de nouveautés assez fascinantes,
soit par leur rapport performances/prix, soit par leur design, soit par
leurs fonctions, soit par les technologies qu'elles enferment. Sans
dresser une liste exhaustive, quelques exemples suffisent pour prendre
la mesure des tactiques mises en oeuvre par les uns et les autres afin
de susciter l'envie des chalands.
Côté rapport performances/prix, la palme revient sans doute actuellement
à Sony, dont l'un des plus récents modèles compacts, le Cybershot
DSC-HXV9, se targue d'un capteur 16 millions de pixels, d'un zoom
optique 16X doublé d'un zoom numérique assorti d'un système de
compensation des mouvements proprement ahurissant (photos nettes sans
pied). Un zoom avec une telle portée (équivalent d'un 600 mm), mais
entièrement optique cette fois, est la particularité d'un appareil
concurrent, le SZ-30M d'Olympus (zoom 24X), qui en revanche encaisse
moins bien les tremblements et qui, du coup, sort des images souvent
floues. Reste que les deux appareils, enrichis de bien d'autres
spécificités et que l'on peut avoir facilement en permanence sur soit,
remplissent si bien leur office qu'aucun smartphone ne peut, à ce jour,
prétendre rivaliser.
On se demande d'ailleurs comment les deux entreprises parviennent à
dégager des profits sur ces modèles, vendus entre 250 et 300 euros. Qui
plus est, même à ces tarifs plutôt bon marché, ni l'un ni l'autre, ne
ressemble à de la camelote, bien au contraire, finition excellente
surtout pour le Sony, qui, cerise sur le gâteau, est "made in Japan",
une précision qui compte pour les Nippons. Autant dire que vu la cherté
actuelle du yen, il est mécaniquement bien plus coûteux de produire quoi
que ce soit au Japon qu'un équivalent en Chine ou même en Corée du Sud.
A noter que Sony façonne aussi au Japon, et en quantité croissante, des
capteurs CMOS utilisés tant pour les smartphones que pour les appareils
photo numériques.
Achetés dans un temple de l'électronique, les modèles susmentionnés
permettent d'obtenir en plus un à-valoir correspondant à 10% du prix, ce
qui couvre le tarif d'une carte-mémoire plutôt confortable de 8
gigaoctets. A titre indicatif, les appareils photo compacts d'entrée de
gamme mais de cette année les moins chers en rayon sont vendus moins de
10 000 yens (moins de 100 euros), ce qui est le cas du Sony DSC-W530
qui, pour ce petit prix, est quand même pourvu d'un capteur 14 millions
de pixels et décliné en une variété de coloris. Pour le même tarif,
Fujifilm est capable de proposer un modèle avec un capteur 16 millions
de pixels, un zoom 5X, la possibilité de prendre des vidéos
haute-définition et de les poster simplement sur le site de partage
Youtube.
Sur le volet du design, mention spéciale à Fujifilm justement, qui vient
d'annoncer, dans la catégorie des appareils compacts toujours, le très
joli X10, un modèle qui suit le X100 et qui sera disponible au Japon le
22 octobre. Ce boîtier rappelle les bons vieux modèles à film
argentique, tant par sa forme que par sa matière. Particularité, il est
équipé d'un viseur (et pas seulement d'un écran) et d'un zoom contrôlé
par une bague rotative d'objectif, offrant ainsi une prise en main et
une gestuelle qui plaîsent aux amateurs avertis et professionnels, dont
font assurément partie les premiers candidats à l'achat de ce produit.
Prix attendu : aux environs de 650 euros. L'attractivité par
l'esthétique réveillant les nostalgiques prêts à débourser des sommes
relativement importantes est une tendance qui n'est pas nouvelle et que
cultive par exemple depuis plusieurs années Olympus avec sa série E-Pen.
La même approche se remarque aussi chez Pentax (récemment racheté par
son compatriote japonais Ricoh) qui a sorti fin août au Japon un
mini-reflex, le Pentax Q, presque plus petit qu'un compact. Il accepte
des optiques spécifiques de type "fish eye", "toy lens telephoto", "toy
lens wide", toutes pensées pour réaliser des clichés un peu trafiqués
dans un but artistique.
Chez Casio, une des stratégies pour que les appareils photo continuent
de tenir la dragée haute aux smartphones, consiste à jouer sur le design
et sur des usages bien particuliers en exploitant les points forts de
la maison. Casio, qui fut pionnier en matière d'appareils photo
numériques mais reste surtout connu à l'étranger pour ses montres
ultra-résistantes et étanches G-Shock ou Protrek, a sorti récemment une
gamme Exilim (G1) imaginée par des designers réputés. Outre des modèles
conçus pour affronter les rudes conditions extérieures, Casio se
distingue par des engins comme le EX-FH100, capable de saisir la
bagatelle de 40 clichés en une seconde, par une seule pression du
déclencheur. Depuis le lancement des Exilim il y a une dizaine
d'années, les modèles de Casio se démarquent par la rapidité de saisie,
enregistrement, traitement, bref par la célérité du logiciel qui
contrôle le tout.
Au-delà du prix, du design, des fonctionnalités uniques et autres atouts
des modèles compacts, pour que les appareils photo continuent d'avoir
des raisons d'exister face aux smartphone, les fabricants nippons misent
enfin sur une nouvelle catégorie, à mi-chemin entre les compacts et les
traditionnels Reflex, ceux que l'on appelle les "mirrorless", autrement
dit des "Reflex sans miroir" aussi surnommés "compacts à objectif
interchangeable". A l'instar des reflex et contrairement aux compacts
classiques, les mirrorless ont aussi l'avantage de faire vendre par la
suite des objectifs.
Sony fut parmi les premiers à tabler sur cette nouvelle famille, avec
les modèles NEX qui s'incrivent dans un registre voisin des E-Pen
d'Olympus ou des Lumix GF de Panasonic. Ces appareils sont dépourvus de
viseur optique, d'où la simplification du système et la taille réduite.
Certains ont cependant un viseur électronique ou peuvent en recevoir un
en option.
Le succès de ces gammes au Japon, notamment auprès des très nombreuses
femmes photographes amateurs, incite les grands noms ancestraux de la
photo à se lancer dans l'aventure, en prenant des précautions toutefois
pour ne pas cannibaliser le marché encore croissant et très lucratif des
Reflex traditionnels. Nikon va ainsi proposer le 20 octobre au Japon sa
première gamme de reflex sans miroir, les Nihon One (J1 et V1).
Fujifilm a promis cette semaine de faire de même l'année prochaine.
Les "sans miroir", que l'on appelle aussi parfois "les Reflex de petit
format", représentent déjà au Japon de 30% à 40% des ventes de modèles
Reflex. Au niveau mondial, les "sans miroir" ne correspondent encore
qu'à un dixième des ventes de Reflex, mais la proportion pourrait
approcher celle du Japon. De fait, on voit mal comment Canon, qui n'a
encore rien dit sur le sujet, pourrait faire l'impasse sur ce potentiel
gros marché. A suivre.
Source : Clubic.com