Arctique : les déchets envahissent les abysses ![Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Cette photographie d'un débris en plastique a été prise en juillet 2012
par 2.500 m de fond dans un des endroits les plus reculés de la planète.
Une fois dégradés, les microplastiques formés pourront être ingérés par
les organismes vivant.L’océan Arctique deviendrait-il une poubelle géante ? En 10 ans, le nombre de déchets
observés à 2.500 m de profondeur aurait tout simplement doublé ! Des
déchets majoritairement constitués de plastiques, qui ne seraient pas
sans conséquence sur la biodiversité locale. Le détroit de Fram, situé entre
le Groenland et l
’archipel du Svalbard,
est la seule connexion profonde entre l’océan Arctique et les autres
étendues d'eau de la planète. Ce lieu stratégique a donc été équipé d’un
observatoire permanent profond composé de 16 stations par l’
Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research(AWI), le Hausgarten. Le
Polarstern,
un navire brise-glace, se rend régulièrement sur site. Il permet ainsi
aux chercheurs de réaliser différentes tâches d’entretien ou des
manipulations scientifiques complémentaires.
En 2002, 2004, 2007, 2008 et 2011, le navire a par
moments et toujours au même endroit tracté un dispositif photographique
nommé
Ofos (pour
Ocean Floor Observation System) à 1,5 m au-dessus du
plancher océanique, par 2.500 m de fond. Il a pris des clichés toutes les 30 secondes, pour suivre l’évolution de la
biodiversité marine (éponges, anémones de mer,
poissons, crevettes, etc.) au cours du temps.
Mélanie Bergmann a eu un mauvais pressentiment en
analysant les photographies
prises l’année dernière, ce qui l’a poussé à se replonger dans les
archives. Ses craintes étaient fondées. Le nombre de déchets sur les
fonds marins, dans ce lieu considéré comme reclus et éloigné de tout, a
doublé en 10 ans ! Un résultat publié dans la revue
Marine Pollution Bulletin. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Présentation d'Ofos, le dispositif permettant de photographier les
fonds marins à de grandes profondeurs. Il a été développé par des
chercheurs du Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research et peut descendre à plus de 5.000 m de profondeur.Une dominance des déchets en plastique Les
déchets observés se composaient principalement de plastiques (59 %), de tissus
noirs (11 %) et de papiers ou de cartons (7 %). En 2002, un détritus
était en moyenne compté toutes les 100
photographies.
En 2011, ils étaient présents sur près de 2 % des clichés. Pour citer
quelques chiffres plus concrets, près de 3.635 déchets ont été dénombrés
par km² voici 10 ans, contre 7.710 l’année dernière. La plus forte
augmentation a été observée après 2007. Ces valeurs peuvent paraître
dérisoires, elles sont pourtant supérieures à celles obtenues en
analysant un canyon sous-marin profond au large de Lisbonne !
Un peu moins de 70 % des déchets seraient directement en contact avec des organismes, par exemple avec des éponges
(41 % des cas) ou des anémones de mer (15 %), au risque de les
étouffer, de les empêcher de manger ou tout simplement de les blesser.
Certains matériaux peuvent de plus libérer des substances toxiques comme
le bisphénol A.
Les détritus solides, comme les bouteilles de bière, peuvent également
porter préjudice à la biodiversité, en permettant à des organismes sessiles de se fixer dans de nouveaux milieux.
La provenance des détritus est difficile à
déterminer à partir de simples photographies. Mélanie Bergmann n’hésite
cependant pas à établir une relation avec les fontes record de la banquise arctique
observées ces dernières années. En l’absence de glace, les déchets
emportés par les vents parviennent plus facilement dans l’eau. Par
ailleurs, le trafic maritime (source de pollution) observé dans les eaux
du Grand Nord tend également à augmenter. Depuis 2007, les nombres de yachts privés et de navires de pêche observés autour de l’île du Spitzberg ont respectivement été multipliés par 3 et 36.
Malheureusement, la quantité de déchets devant
arriver dans les grands fonds océaniques serait amenée à augmenter dans
les années à venir. Par ailleurs, les macroplastiques d’aujourd’hui vont très certainement se dégrader, malgré le froid, pour devenir des microplastiques et ainsi participer à un autre type de pollution.
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