INSOLITE : Gironde, un château détruit par "erreur"
Par Yannick Delneste (Sud-Ouest)
Une chartreuse du XVIIIe siècle à Yvrac devait être rénovée. Elle a été détruite à l'insu de son propriétaire russe
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Le château Bellevue avant
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Le château Bellevue, chartreuse de 800 m2, a disparu en quelques jours au début du mois. Il ne subsiste aujourd'hui qu'une dépendance.
«C'était il y a trois semaines environ. On n'a pas pu ne pas le voir : le château était pile en face de notre porte d'entrée. En quelques jours, il a disparu.
» La plus proche voisine du château Bellevue illustre la surprise des habitants d'Yvrac, familiers de cette chartreuse du XVIIIe siècle. Elle figurait parmi les quatre ou cinq « fleurons » du patrimoine architectural de cette commune de 2 500 habitants à l'est de Bordeaux.
Plus de belle vue sur Bellevue, Bellevue n'est plus.
Sur le panneau du chantier qui semble battre son plein au 53 de l'avenue de la Chapelle, la nature des travaux est bien spécifiée : rénovation. Radicale, la rénovation. « Un permis de construire pour rénovation a bien été délivré en juin 2011 », explique le maire Claude Carty. « Il autorisait simplement la destruction d'une infime partie des dépendances. » Le constat de non-conformité et l'infraction au Code de l'urbanisme sont chez le procureur. Le maire d'Yvrac a pris dans la foulée un arrêt interruptif de chantier.
« Je suis la première victime »
« Je ne savais pas que le château avait été détruit, je suis sous le choc », s'exclame Dmitry Stroskin, propriétaire de ces 13 000 m² où ne subsistent aujourd'hui qu'une petite dépendance d'époque. « Même si le bâtiment était en très mauvais état, je voulais le rénover. »
L'homme est russe mais dirige à Varsovie une entreprise de logistique de produits d'exportation de France vers la Pologne et la Russie.
Revenu cette semaine sur le chantier, il dit être la première victime des entreprises de BTP à qui il l'a confié, sociétés dont les voitures sont toutes immatriculées en Pologne. Pas moyen d'ailleurs de se faire comprendre sur place. « Je comprends tout à fait l'émoi dans la commune et la procédure auprès du procureur », dit-il. « Mais je ne vais pas chercher les responsables de cette erreur : le mal est fait. » D'autres s'en chargeront peut-être pour lui dans les semaines qui viennent.
Deux ans pour reconstruire
« Attention ! Je ne suis pas dans le pétrole ou dans le gaz russe », prévient-il pour tenter de rassurer l'Yvracais moyen qui d'aventure et comme tout le monde ici-bas, pourrait verser dans le cliché. Et d'annoncer la nouvelle : « Je vais reconstruire Bellevue à l'identique ! » « J'ai eu le coup de cœur pour ce site après des années à rechercher une maison en France », poursuit Dmitry Stroskin. « Je vais travailler avec un architecte parisien sur le dossier. »
Maison principale, maison des amis, maison du jardinier : les plans
rutilants qu'il montre sont pourtant signés Architekci, importante
agence polonaise, mais montrent bien un château Bellevue renaissant de ses cendres… et de ses pierres. Un contrat d'un million et demi d'euros aurait d'ores et déjà été signé avec une société de maçonnerie locale, qui fournira la pierre de Bordeaux. Les travaux devraient durer deux ans.
La chartreuse avait été construite par une riche famille bordelaise qui venait y passer quelques séjours dans l'année. Avant que Dmitry Stroskin ne l'achète, Bellevue était un espace de réception à louer. L'Yvracais passera de temps en temps avenue de la Chapelle pour voir si le château devient bel et bien la résidence d'un Russe francophile.
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