L'Oiseau-lyre ou Ménure superbe (Menura novaehollandiae) est un grand passereau (entre 74 et 98 cm de long selon l'individu et le sexe) vivant dans les forêts du Sud-est de l'Australie, mais aussi en Tasmanie où il a été introduit. C'est un oiseau principalement terrestre, aux ailes courtes et aux longues pattes, qui possède une longue queue qui est déployée lors des parades nuptiales et dont la forme ressemble à celui d'une lyre. Il est surtout connu pour sa prodigieuse faculté d'imitation, reproduisant parfaitement des sons très variés.
Bruno Delaroche nous raconte comment il a été "trompé" par trois ménures dans une forêt australienne...Nous remercions Arthur Grosset ([Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]) pour ses photos.
Ménures superbes (Menura novaehollandiae) femelle et immature, état de Victoria (Australie), avril 2006.
L'Oiseau-lyre ou Ménure superbe
Longueur : de 80 à 98 cm (mâles) et de 74 à 84 cm (femelles). Le Ménure superbe (Menura novaehollandiae) est le troisième plus grand passereau du monde. Le mâle est brun dessus et gris-brun dessous, avec les ailes teintées de cuivre. Le caractère le plus frappant est sa longue queue en forme de lyre. Elle est tenue au-dessus de la tête et vers l'avant lors de la parade nuptiale. La femelle a une queue plus courte. Les ailes sont arrondies et les pattes sont longues.
Chant
L'Oiseau-lyre est l'un des meilleurs chanteurs et imitateurs du monde des oiseaux. Son syrinx (l'organe situé sous la trachée des oiseaux et qui leur permet d'émettre des vocalises) est l'un des plus élaborés et des plus puissants de tous les passereaux.
Il est capable d'imiter fidèlement une grande variété d'espèces d'oiseaux et d'animaux, mais aussi de bruits humains, de machines et d'équipements variés (tronçonneuse, alarmes, moteurs, etc.), des explosions, des instruments musicaux, etc.
L'oiseau-lyre est timide et vit caché, et souvent le seul indice de sa présence est l'étonnante profusion de bruits variés provenant d'un même endroit. La femelle est aussi une très bonne imitatrice mais elle est moins active.
A gauche, le syrinx vu de l'extérieur. A droite, coupe du syrinx. L'air qui circule fait vibrer les membranes tympaniques et le pessulus. En (1), (2) et (3), les trois premiers anneaux bronchiques.
Le fonctionnement du syrinx
La syrinx est l'organe qui remplace les cordes vocales chez les oiseaux. Il est situé à la base de la trachée, à la confluence des deux bronches. Le son est produit quand l'air exhalé fait vibrer les membranes tympaniques et le pessulus, créant des ondes.
La modulation du son est obtenue en faisant varier la tension de ces membranes grâce aux muscles sterno-trachéaux placés à l'extérieur. Ils agissent aussi sur le niveau d'ouverture des bronches. Le larynx (au niveau de la gorge) et les autres dilatations de la trachée contribuent aussi à la modulation du chant.
Quelques éléments de biologie
Le mâle est polygame. Il est surtout bruyant en hiver, lorsqu'il construit et défend une butte de sable placée dans un buisson dense sur laquelle il chante et fait la cour aux femelles et d'où il surveille les mâles rivaux. Il place alors sa queue au-dessus de sa tête.
La femelle construit ensuite un nid très simple où elle dépose un oeuf. Elle est la seule à couver pendant plus de 50 jours. Elle est aussi la seule qui éleve le poussin. Le Ménure superbe se nourrit d'insectes et de petits animaux trouvés dans le sous-bois.
Aire de répartition (en rouge) du Ménure superbe (Menura novaehollandiae).
Habitat et distribution
Le Ménure superbe est un oiseau endémique d'Australie. Il vit dans les forêts humides du Sud-est du pays, du sud de l'état du Victoria au sud-est du Queensland, mais aussi en Tasmanie où il a été introduit dans les années 1930-1940. Il est assez répandu dans son aire de répartition.
A noter qu'il existe une autre espèce plus localisée, le Ménure d'Albert (Menura alberti), ne vivant que dans les forêts tropicales humides du sud du Queensland.
Une "erreur divine"
L'oiseau-lyre est une véritable "folie" à plumes, une "erreur ou une bavure divine" [...]. Déjà, avec sa queue en forme de lyre et sa tête de dinde, il ne passe pas inaperçu, alors quand il ouvre le bec, cela tient de l'imposture. Je connais un autre oiseau imitateur gris qui vit dans des bosquets d'Amérique du Nord, le Moqueur chat (Dumetella carolinensis).
Au début, on se fait avoir. On se demande ce que fait un chat dans les ronces, à mille lieues de toutes ferme, bourgade, hameau. Alors on l'appelle : "minou minou minou" ; on s'approche du miaulement en scrutant à travers les branches pour apercevoir le greffier. Tu parles d'une tromperie ! Quand le passereau s'envole et qu'on comprend le leurre, on n'y croit pas, ça dérange, la preuve que la réincarnation peut déraper…Un chat reste un chat, même devenu oiseau.
L'oiseau-lyre, à côté, c'est un grand "taré" [...]. Il a failli complètement disparaître des forêts australiennes, traqué pour sa queue qui fournissait aux dames d'élégantes parures pour leurs chapeaux déjà bien garnis. C'est aujourd'hui devenu un emblème qui trône sur les dollars australiens. Quand on s'est fait avoir comme moi, on n'en mène pas large…Le souvenir de cet affront ne manque jamais de resurgir dès que j'ai entre les mains un billet où il figure. Je le froisse entre mes doigts comme pour conjurer le sort avant de le remettre au commerçant, heureux de me débarrasser de cette encombrante effigie.
Toutefois, comme mes moyens ne me permettent pas de dire "gardez tout", j'accepte la monnaie, me retrouvant ainsi en possession d'une troupe de ménures dans mon porte-monnaie. Leur supériorité numérique m'a fait redouter un temps une rébellion sonore ... Mais à cause des frais bancaires, je ne pouvais utiliser ma carte de crédit qu'exceptionnellement, me condamnant à "brasser du ménure" tout le long de mon voyage.
Ménure superbe (Menura novaehollandiae) paradant et imitant de nombreux chants d'oiseaux devant deux femelles dans la Sherbrooke forest (état de Victoria, Australie).
40 espèces différentes au même endroit !
Il m'a gâché mon plaisir, le volatile ! Je cherchais des oiseaux-jardiniers (genre Ptilonorhynchus) dans les eucalyptus, et je suis tombé sur un groupe de bûcherons… J'avais pourtant pris mes dispositions, et j'étais sur le terrain à l'aube, dans la fraîcheur du bois. L'air était saturé d'essence d'eucalyptus, de quoi aseptiser trois sanatoriums ! Ça volait dans tous les sens, dans toutes les dimensions, selon toutes les trajectoires, dans toutes les strates de la végétation, etc. Au moins 40 espèces vues sur une toute petite surface.
Toute la faune vaquait à ses occupations avant qu'il ne fasse trop chaud. A cette heure bénie, je suis généralement seul à errer en pleine nature, et j'apprécie alors l'ambiance de ce moment de la journée. J'ai fini par repérer un oiseau-jardinier dans un figuier : c'était une femelle ressemblant à une grosse grive verte au bec puissant et jaunâtre et au ventre strié de brun, bien accrochée à une branche, occupée à cueillir des fruits.
Des journalistes ?
Et puis j'ai entendu un photographe : un reportage ? La presse australienne rapportait-elle déjà ces exactions forestières ? Un scoop ? Un documentaire sur une nouvelle technique de coupe ? Une rafale ! Le photographe ne lésinait pas sur la pellicule. En mode manuel maintenant : "clic, clac !".
J'arrivais enfin sur les lieux… Silence complet. En fait il s'agissait de ménures qui se pavanaient, leur lyre étalée, juchés sur des buttes ! Je les ai surpris en pleine joute sonore, en plein "rut". Ils étaient si majestueux avec leurs queues déployées. Ils me faisaient penser à des elfes jouant de la harpe au clair de lune avec les trolls australiens rassemblés autour d'une flaque de rhum... En y repensant, ça résonne encore dans mes oreilles : quels décibels ! Je ne m'en suis pas remis, et j'évite d'aborder le sujet…Quelles farces la Nature peut parfois nous jouer !
Sur le moment, je suis resté dans un état de stupeur, immobile. Il fallait accepter l'évidence : les tronçonneuses sortaient des becs de ces oiseaux, les ménures étaient bien à l'origine de ces bruits. Eux, les anges moitié instrument à corde moitié scie à ruban…
Vidéo d'un Ménure superbe (Menura novaehollandiae) imitant des bruits humains dans la forêt, dont un déclencheur d'appareil photo, une alarme et une tronçonneuse !
Une grande gamme de bruits
Le ménure imite tout ce qu'il à l'habitude d'entendre dans son entourage. Plus leur habitat est fréquenté, plus leur gamme vocale est étendue. Il sait reproduire à la perfection les objets familiers du parfait touriste et reproduit fidèlement les outils des ouvriers des parcs et forêts. Les bruits reproduits sont d'une très grande diversité : déclencheur d'appareil-photo motorisé, hache frappée contre un tronc, fermeture-éclair, alarme de voiture ou verrouillage centralisé des portes, cliquetis divers et variés, barillets, mécanismes en tous genres, ... Tout est bon pour impressionner les femelles, pour gagner le concours du meilleur duplicateur.
Les trois rivaux observés se disputaient les femelles dans un ballet de lyres tournoyantes, dans une ambiance de tournage de film industriel… J'ai quitté la scène en me bouchant les oreilles.
Des bruits automobiles
Un autre ménure, qui picorait sur le bord de la route, imitait le bruit d'un trousseau de clefs, et cela m'a pétrifié ! Je l'ai observé du coin de l'œil avant d'ouvrir la portière de ma voiture. Hitchcock aurait adoré… Il s'est approché de mon véhicule, comme attiré, comme pour s'approprier le moindre tapage. Il quémandait du bruit ! Je suis resté silencieux volontairement.
Il s'est remis à faire le bruit d'un trousseau pour me provoquer. J'ai alors démarré la voiture, et cela n'a pas mis beaucoup de temps pour qu'il imite le ronronnement exact de la Toyota… Avant de prendre la route de Sydney, Il m'a gratifié d'un bruit d'ouverture électrique de fenêtres tout en déployant de rage sa lyre.
Ménure superbe (Menura novaehollandiae) mâle, état de Victoria (Australie), avril 2006.
Si j'en ramenais un à Paris ?
Si un jour je ramenais un ménure à Paris, je le promènerais sur les chantiers où il pourrait s'imprégner des mélodies pour manivelles et meuleuses tout en distrayant les équipes pendant leurs poses.
A Montparnasse, au départ des T.G.V., il répéterait machinalement les annonces devant les employés de la SNCF qui lui offriraient sûrement en remerciement un tour de France en "première cage".
Je lui ferais découvrir les Pink Floyd : s'il me rejouait l'introduction de "Welcome to the machine", je l'enverrais chez la major E.M.I. qui lui installerait une volière dans ses studios d'Abbey Road capitonnés de velours.
Il deviendrait sourd à Orly, crieur à Rungis, arbitre au stade, aide-serrurier, apprenti-soudeur, testeur de réveils chez Seïko, il ferait de la pub pour Canon : bref on deviendrait riches et adulés.
Chauffeur de salle d'attente de dentiste, il adorerait sûrement le bruit de la fraise, il succomberait à celui de la tondeuse du coiffeur, il jouerait de la lyre à chaque levée de rideau métallique dans les rues commerçantes, il serait élu "pilier de tous les bars" pour son art du percolateur…
Chez le distributeur Carrefour, on le dorloterait près des caisses enregistreuses, où il "couinerait du code barre", composerait tous les codes secrets, éditerait les listings, photocopierait sans se lasser...
Puis, je le ramènerais dans ses Blue Mountains natales avec sous l'aile des trésors sonores exclusifs. J'en ferais le champion incontesté de ses futures parades nuptiales. En échange, je prendrais des parts dans ses harems pour préparer ma réincarnation dans le cas où je renaîtrais en oiseau-lyre... Auteur
Bruno Delaroche : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
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Le Ménure superbe : l'oiseau-vacarme par Bruno Delaroche