Une étude récente d'un groupe international de scientifiques révèle l'état critique de nos océans et réclame d'urgence la mise en place d'actions pour enrayer leur dégradation. Le dernier programme sur l'Etat des Océans réalisé par l'IPSO[1] et l'UICN[2] révèle que les effets des activités humaines sur les océans vont au-delà de ce qui a été rapporté lors du dernier rapport du GIEC.
Les atteintes aux océans
Le changement climatique
Le changement climatique représente la menace la plus importante pour la santé nos océans. En effet, nos océans sont de gigantesques puits à carbone, mais au fur et à mesure qu'ils saturent, les océans s'acidifient et la biodiversité marine a le plus grand mal à s'adapter à des changements aussi rapides. De plus, avec l'augmentation des températures, les eaux se réchauffent également et se dilatent, entraînant une élévation du niveau de la mer.
La surpêche
La surpêchevient en seconde place après le changement climatique. D'après les Nations Unies et la FAO, 70% de la biomasse marine est surexploitée, au point de ne plus pouvoir se régénérer à temps, résultat : 30% des populations de poissons ne sont plus qu'à 10% de leur niveau « normal », c'est-à-dire s'ils n'avaient pas été pêchés. Mais il y a pire : sur les 9000 à 10 000 tonnes de poissons que nous pêchons par heure, pratiquement la moitié[3] est gaspillée ! Les rejets par-dessus bord des prises accidentelles sont une grosse partie de ce gaspillage mais le devenir du poisson pêché est tout aussi effarant : environ un quart de la production de la pêche mondiale est destinée à nourrir les animaux d'élevage, soit aucun apport en protéines, seulement une accessibilité à cette ressource améliorée !
"Le fait de pêcher des protéines animales pour élever d'autres animaux d'élevage, lesquels sont destinés à fournir des protéines animales à des fins de consommation humaine, est une absurdité biologique. En effet, le poulet, le saumon ou la crevette que l'on nourrit ainsi ne fait que se substituer au prédateur naturel, c'est-à-dire au carnivore qui se situe au deuxième degré dans la chaîne alimentaire. Il prend sa place en ne restituant qu'une faible part des protéines absorbées. Autrement dit, l'opération d'élevage, telle qu'elle est pratiquée, ne se traduit par aucun gain nutritionnel. Le seul intérêt est que le poulet ou le saumon, une fois élevé, est plus accessible que le poisson qu'on devrait aller pêcher en mer." dénonce Jean Chaussade, géographe, directeur de recherche honoraire au CNRS, dans un article paru sur Le Monde.
La destruction des habitats
Comme nous pouvions en douter, la destruction des habitats marins vient en troisième place. Nous utilisons des méthodes de pêche de plus en plus extrêmes pour des stocks de poissons en diminution croissantes telles que le poison, les explosifs, le chalutage de fond (une méthode de pêche industrielle qui racle le fond marin ramassant et détruisant tout sur son passage y compris des espèces menacées d'extinction), la pêche fantôme (le matériel de pêche perdu ou abandonné en mer continue d'attraper des poissons) et bien d'autres méthodes souvent inadaptées à l'environnement[4].
La pollution marine
Les extractions minières occasionnent de nombreux dégâts et rejettent des polluants, tels que les boues de forage toxiques dans l'environnement. A l'heure actuelle, les sociétés minières vont de plus en plus profond pour extraire les richesses des fonds marins et risquent de détruire nombre d'espèces rares et uniques . De plus, les méthodes acoustiques utilisées notamment pour repérer les nappes de pétrole sous-marines avec sonars ou canons à air peuvent assourdir et désorienter les cétacés, et même s'avérer mortelles. En effet, les cétacés qui ont perdu leur ouïe auront des problèmes à se repérer et communiquer, et souvent finissent par s'échouer[5].
La majorité de la pollution retrouvée en mer provient des industries, de l'agriculture et des usages domestiques. Le rejet des eaux usées dans les écosystèmes côtiers augmente l'activité microbienne par la fourniture de matière organique. Ces microbes et micro algues épuisent l'oxygène et créent des « zones mortes » où les autres espèces marines ne peuvent survivre. De plus, les déchets tels que les plastiques, les métaux lourds, les pesticides, le pétrole ou les Polluants Organiques Persistants (POP) ont des effets dévastateurs sur la biodiversité marine et l'ingestion de ces microparticules polluantes transfèrent la pollution vers le haut de la chaine alimentaire pour se répercuter par un impact direct sur la santé humaine.
Trailer du film Plastic Shore sur la pollution plastique en mer
Les espèces invasives
Depuis toujours, les espèces ont pu se déplacer, par les airs (comme c'est le cas des graines) ou en nageant par exemple et ont pu se développer dans de nouveaux écosystèmes. Cependant, jusqu'à présent ce processus était limité. Nos bateaux permettent à présent de transporter de nombreuses espèces et de les introduire, délibérément ou accidentellement dans d'autres écosystèmes. Ces passagers clandestins sont souvent dans les ballasts des grands bateaux (une réserve d'eau qui sert à équilibrer le bateau quand il prend un chargement) et compromettent voire anéantissent l'écosystème d'accueil, comme c'est le cas pour la Perche du Nil introduite en Tanzanie, illustré par le célèbre film Le Cauchemar de Darwin).
Les solutions proposées pour diminuer la pression sur les océans
Que pouvons-nous faire ? L'IPSO et l'UCIN recommandent aux décideurs :
Une réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) pour limiter les hausses de température ainsi que des puits de carbone, pour stocker le carbone et ainsi restreindre l'absorption du CO2 par les mers et océans.
Une gestion de la pêche améliorée dans le monde entier pour permettre la sécurité alimentaire aux populations les plus impactées par la diminution des stocks de poissons. Cela nécessiterait : une réduction de la capacité des flottes de pêche, l'élimination des subventions pour les pêches destructrices (comme c'est le cas en France avec Intermarché). L'élimination de la pêche illicite, déclarée ou non. L'amélioration des techniques de pêche pour prévenir les impacts néfastes sur les écosystèmes et les rejets de prises accidentelles.
L'IPSO estime que les réserves maritimes sont notre meilleur espoir pour résoudre cette crise mondiale et éviter la catastrophe. Les réserves maritimes sont l'équivalent des parcs nationaux, ce sont des espaces protégés, des poches de résistance qui permettront aux océans de se remettre des chocs externes pour se rééquilibrer. Toutefois, les réserves maritimes ne sont pas à l'abri de l'acidification des océans qui cause déjà la destruction de beaucoup d'écosystèmes, il est donc impératif de concentrer ses efforts, avant tout, sur la réduction des émissions de GES.
De plus, les espèces migratoires comme les cétacés ne pourront être protégées par les réserves, par définition limitées. Sans l'élimination de la pêche des grands prédateurs marins (comme les dauphins, orques, cachalots, requins...) illicite ou autorisée, la prolifération des espèces invasives ne peut qu'empirer. Et à ce moment-là, ne faudrait-il pas, diminuer drastiquement le trafic maritime qui ne fait que perturber les cétacés et apporter des espèces invasives ? Ou du moins innover dans des embarcations silencieuses qui n'ont pas besoin de ballasts ? Ou bien faire un peu de logistique intégrée pour ne pas déranger les cétacés et échanger son chargement par un autre de même poids ?
Notes
International Programme on the State of the Ocean (IPSO)
Union internationale pour la conservation de la nature
39,5 millions de tonnes métriques de prises accidentelles et de rejets
Cf. Destructive fishing practices et les techniques de pêche destructives et les rejets
Effet des ondes sonores sur les cétacés
Sources
Latest review of science reveals ocean in critical state - UICN
State of the Ocean.org - Big Threats
Source : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
L'état catastrophique de nos océans nécessite des mesures d'urgence par Elodie GT