Les eaux de la mer Rouge : une solution pour sauver la mer Morte ?Par Quentin Mauguit, Futura-Sciences
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Le pipeline reliant la mer Rouge à la mer Morte est d’ores et déjà surnommé « canal de la paix ». Ce projet a été imaginé pour la première fois en 1902 par Theodor Herzl, mais au départ de la Méditerranée, plus proche.La mer Morte perd sans cesse en profondeur depuis quelques décennies. Pour inverser la tendance, un projet propose de la remplir avec de l’eau de la mer Rouge. La Banque mondiale estime que c’est faisable malgré quelques risques écologiques maîtrisables. La mer Morte se distingue des autres étendues d’
eau salée du globe pour plusieurs raisons. Premièrement, il ne s’agit pas d’une mer à proprement parler, mais plutôt d’un grand lac bordé par
l’État d’Israël, la Jordanie et
la Cisjordanie. Deuxièmement, sa
salinité est jusqu’à dix fois plus importante que celle de l’eau de mer, puisqu’elle contient environ
275 grammes de sel par litre. Enfin, elle se situe actuellement
423 m sous le niveau moyen des océans.
Ce
grand lac salé est alimenté par un seul fleuve,
le Jourdain. C’est à ce niveau que se pose un problème majeur : l’afflux d’eau fraîche ne cesse de diminuer au fil des ans. Près de 230 millions de m
3 d’
eau douce arriveraient actuellement dans
la mer Morte en une année, contre 1.250 millions de m
3 en 1950. Le pompage de ce précieux liquide par les agriculteurs et les industries de la région expliquerait cette forte diminution. Par conséquent, le
niveau de la mer Morte diminue de plus d’un mètre par an, ce qui se traduit par une perte de superficie. De 950 km
2 voici 50 ans, elle est passée à 637 km
2 de nos jours.
Ce constat pose de nombreuses questions, car la région concernée vit entre autres du tourisme. De plus, l’
écosystème de
la mer Morte est unique. Il mérite donc d’être conservé. Face à cette situation qui semble s’accélérer avec le temps, des autorités israéliennes, jordaniennes et palestiniennes ont demandé en 2005 à la
Banque mondiale d’analyser la faisabilité d’un projet vieux de plusieurs années, mais qui n’a jamais été développé. Cet organisme international vient de diffuser sa conclusion : il est tout à fait envisageable de puiser de
l’eau dans
la mer Rouge pour remplir
la mer Morte.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Le golfe d'Aqaba est visible au centre de cette photographie prise par la navette spatiale Columbia en 2002. Il pourrait bientôt être relié à la mer Morte, située un peu plus haut dans son prolongement, par un pipeline de 180 km de long.Un projet économique important… mais non dépourvu de risquesAinsi, il serait possible, pour 10 milliards de dollars, de construire un pipeline de 180 km de long entre
le golfe d’Aqaba et le grand lac salé. Jusqu’à 2 milliards de m
3 d’eau pourraient alors transiter dans ce conduit chaque année et être utilisés pour produire de
l’énergie hydraulique.
Le projet prévoit en effet de placer des turbines sur le parcours afin de profiter des 400 m de dénivelé existant entre les deux mers. Le montant des travaux inclut également la construction d’une
usine de désalinisation qui pourra fournir une plus grande quantité d’eau potable (entre 320 et 850 millions de m
3 par an en fonction de l’avancée du projet) à la population locale.
Le
rapport préliminaire publié en ligne précise tout de même qu’il existe quelques risques écologiques dont il faut tenir compte. L’injection de plus de 300 millions de m
3 d’eau par an pourrait par exemple favoriser la prolifération d’
algues rouges et entraîner la formation de
gypse blanc. Des
nappes phréatiques
pourraient également être contaminées par de l’eau de mer. Les experts impliqués dans l’évaluation estiment cependant que ces risques peuvent être contrôlés et maintenus à un niveau acceptable, ce que réfutent déjà plusieurs organisations de défense de l’environnement.
Les Amis de la Terre au
Proche-Orient dénoncent ainsi dans
Le Monde un rapport
« irresponsable », dont les conclusions
« ignorent le risque environnemental et le prix économique élevé à payer ».
Gidon Bromberg, le directeur des
Amis de la Terre en
Israël, a quant à lui souligné dans
Le Monde que
« les vrais bénéficiaires seraient les hommes d'affaires israéliens associés à la construction de la plus grosse usine de désalinisation du monde et les compagnies étrangères de construction de pipeline ». Il reste maintenant à voir quelle suite sera donnée à cette étude de faisabilité.
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