La pollution atmosphérique au nord provoque la sécheresse au sud
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Les aérosols sulfatés ont été émis allègrement par les centrales à
charbon jusqu'à la fin des années 1970, aux États-Unis et en Europe.
Leur pouvoir réfléchissant refroidit l'atmosphère et modifie la
circulation atmosphérique méridienneLe Sahel est soumis à des sécheresses dramatiques provoquant des famines endémiques
depuis plus d’une quarantaine d’années. Durant 20 ans, la
surexploitation des terres agricoles et la mauvaise gestion des
ressources d’eau étaient pointées du doigt. Or le principal responsable
serait la pollution atmosphérique générée par l’hémisphère nord...Le
Sahara grignote peu à peu
le Sahel, cette bande de l
’Afrique qui marque la transition entre le climat aride du désert au nord et le
climat plus tropical au sud. L
’Afrique centrale a connu des décennies de
sécheresse intense, notamment durant la période 1960-1980, avec un pic
au début des années 1980.
Le lac Tchad, qui borde
le Niger, le Tchad, le
Nigéria et
le Cameroun, était jadis l’un des plus grands lacs du monde.
Il alimente en eau plus de 20 millions de personnes, mais il s’est
tellement réduit depuis les années 1960 que la navigation y est
aujourd’hui interdite.
Surpâturages et mauvaises gestions agricoles étaient
jusqu’alors considérés comme la principale cause de sécheresse du lac.
Il semble maintenant que la pollution atmosphérique dans l’hémisphère
nord soit en réalité plus à blâmer pour le
déficit de précipitation
et l’asséchement du lac en résultant. En effet, durant la période
1960-1980, les
États-Unis et l’
Europe faisaient tourner sans restriction
les centrales à
charbon (chargées en soufre), émettrices d’
aérosols sulfatés en masse dans l’
atmosphère. Cette augmentation de la quantité d’
aérosols sulfatés (formés à partir du dioxyde de soufre SO
2) dans l’hémisphère nord a refroidi l’atmosphère, et par la suite déplacé la bande de précipitations tropicales vers le sud.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]La moyenne des différences de précipitations dans le monde
entre la période 1931-1950 et la période 1961-1980. Les taux varient
entre -200 et +200 mm/an (mm/year). On observe que les zones où
le déficit de pluies est maximal incluent le Sahel, tandis que le sud
du Brésil et le sud-est l'Afrique sont plus humides.Pour en arriver à ces conclusions, une équipe de
l’université de
Washington s’est d’abord intéressée aux données
historiques de précipitations, dont les mesures sont continues depuis
1930 jusqu’en 1960. Les chercheurs ont alors mis en évidence que
le
Sahel n’était pas la seule région tropicale dont le régime de pluies
avait été modifié : l’
Amérique du Sud et le nord de
l’Inde connaissaient
aussi un
climat plus aride.
A contrario, les régions situées plus au sud de la bande tropicale de
précipitations ont connu des climats plus humides que la moyenne. Ces
observations mettent en évidence une migration de la bande de
pluie tropicale vers le sud.
L’hémisphère nord s’est refroidiDes études antérieures avaient déjà fait le rapprochement entre les
émissions d’aérosols sulfatés des
centrales à charbon
et la sécheresse du Sahel. Mais cette fois, les scientifiques se sont
basés sur les observations historiques pour déterminer le lien entre la
sécheresse et le déplacement de la bande de précipitations. Ils ont
ensuite déterminé la cause du changement atmosphérique à partir des
modèles climatiques du projet
CMIP, utilisés par le
Giec. Les résultats ont fait l’objet d’une publication dans les
Geophysical Research Letters.
L’équipe américaine a donc évalué la réponse de 26
modèles couplés aux conditions atmosphériques qu’a connues le globe
durant la période 1960-1990. Presque tous les modèles ont simulé la
migration de la bande tropicale de précipitations vers le sud, celle-ci
provoquée par le
refroidissement de l’atmosphère dans l’hémisphère nord. Les aérosols sulfatés émis en haute atmosphère forment une couche brumeuse sur laquelle la
lumière solaire se réfléchit, et elle ne peut donc pas atteindre la surface terrestre. Ce refroidissement perturbe la
circulation de Hadley, qui redistribue la chaleur accumulée à l’équateur vers les plus hautes
latitudes, ce qui a modifié l’emplacement de la zone de
convection intertropicale.
L’effet de serre l’emporte dans l’hémisphère nordCette étude est intéressante, car, plutôt que de se
concentrer sur la seule zone géographique du
Sahel, les chercheurs ont
évalué s’il y avait un schéma climatique à plus grand échelle.
« Les
gens n’ont pas ressenti le refroidissement dans l’hémisphère nord parce
qu’il a été en partie compensé par le réchauffement lié aux gaz à effet de serre, les températures sont restées presque constantes », commentait
Yen-Ting Hwang, principal auteur de l’étude.
La bonne nouvelle dans l’histoire est que depuis la fin des années 1980, les
émissions d’aérosols sulfatés ont été réduites, et les observations montrent que la bande tropicale remonte vers le nord.
« Les gens devraient savoir que ces particules non seulement polluent l'air au niveau local, mais ont ces mêmes effets climatiques à distance », renchérissait
Yen-Ting Hwang. Actuellement, les mesures de température suggèrent que la tendance s’est inversée.
La
température de l’air s’accroît plus rapidement dans l’hémisphère nord que dans l’
hémisphère sud, en raison de l’augmentation des émissions de
gaz à effet de serre. Une bonne nouvelle pour le Sahel donc, mais pas tellement pour nos régions.
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